vous avez l’œil j’en ai deux

Texte de Bianca Laliberté

vous avez l’œil j’en ai deux : c’est là la première exposition solo réalisée par Sylvie Laliberté en vingt ans ; 20 ans pendant lesquels elle n’a jamais cessé d’être une artiste ; 20 ans où son travail visuel et littéraire a continué d’habiter l’espace public, soit juste assez pour qu’elle ait le temps de vérifier – quelque part à côté du milieu des arts, de ses discours et de ses habitus – à quoi tient l’art. L’art, qui tient à elle, à ce presque rien dont elle est capable, le lui a bien rendu. Cette exposition est une occasion pour toutes les personnes qui veulent bien savoir à quoi ressemble une œuvre qui se tient presque toute seule, sur une table et quelques murs.

Évidemment, il y a aussi le papier. Mais c’est un papier discret, non pas d’artiste, mais animal, nommé « Cougar ». Sur ce papier blanc, très blanc, les phrases et les dessins s’énoncent aussi directement que possible, comme ils sont venus. Il porte le souvenir que la pensée est une surface minimale qui, aussi abondante soit-elle, a le pouvoir de rétrécir, de s’accrocher à ce qu’il reste de délicat dans le grand jeu du langage. C’est ce genre de petites puissances de l’esprit que vous trouverez ici éparpillées avec précision.

Cette série d’œuvres voit les mots et dit les images. Elle invente une forme de l’art qui pense. C’est pourquoi cette exposition n’est ni linéaire ni tout-à-fait constellaire. Les morceaux se présentent comme ils l’ont voulu : ici en bloc, se collant, s’alliant ; là s’installent ces autres qui préféraient rester seuls. Si cette exposition fait système, c’est en tant que système d’aération, préparé pour vous laisser beaucoup d’espace, juste pour vous, un peu partout : en haut, de biais, au milieu, à droite, au sol. Dans ce mouvement, servez-vous! Ce n’est pas lourd.

Remerciements à l’Atelier Circulaire avec l’assistance de Dominique Desbiens pour la production des tirages.