Reverb

Du 11 novembre au 22 décembre 2023
Vernissage : Le samedi 11 novembre 2023 de 15 h à 17 h
Reverb : Colin Canary, Beth Frey, Ian Gonczarow, Anaïs Goupy, Karine Guyon, Claudia Kleiner, Lauren Pelc McArthur, John Drew Munro, Ianick Raymond, Megan Wade-Darragh
Cette exposition fait partie de la programmation de la
Triennale Pictura
Commissaire : Trevor Kiernander

Texte de Trevor Kiernander
Traduction de Béatrice Larochelle

Reverb constitue le deuxième chapitre d’une trilogie d’expositions prévues pour Pictura, examinant les filons communs de la peinture tels qu’ils se manifestent dans différentes régions du monde. Artiste avant tout, je m’intéresse au commissariat d’expositions par le biais de connexions visuelles, avec des œuvres qui résonnent avec moi musicalement, une préoccupation personnelle dans ma propre pratique artistique.

Le premier volet, Echo, a eu lieu à Art Mûr en 2020 et a rassemblé une sélection d’artistes internationaux de Leipzig, Berlin, Londres, Montréal et Toronto, chaque artiste abordant l’abstraction à travers ses propres systèmes et langages. En référant et en établissant des liens avec leur environnement – là où les images et les idées rebondissent au fil de leur processus, se reflètent et sont réinterprétées – les œuvres atteignent un point d’achèvement qui fait à nouveau partie de l’ensemble du système. Les peintures de chaque artiste appellent à la trace, à la mémoire, à la réflexion et au résidu – elles font écho. De même, la réverbération est un effet d’écho créé électroniquement dans la production musicale.

La première inspiration pour Reverb, avant même que je ne conçoive cette exposition, est venue du travail de Lauren Pelc-McArthur. Ses tableaux sont construits par superposition de peinture, combinant des surfaces plates et opaques avec des zones surélevées et faussement iridescentes ainsi que des sections de couleur changeant subtilement en fonction de l’angle de vue. Elles ne peuvent pas être photographiées avec précision, combattant ainsi l’abondance de la peinture « adaptée à l’écran », et prenant ainsi le contrôle de son spectateur. L’objectif principal de Pelc-McArthur est d’évoquer une sensation comparable à celle de faire défiler compulsivement devant nos yeux les catastrophes de ce monde, pendant que l’on expérimente une migraine optique. Les titres de ces œuvres sont des mots fabriqués de toutes pièces, influencés par l’effet Kiki/Bouba, où les sons sont vaguement liés à des formes visuelles.

J’ai commencé à percevoir des sentiments similaires dans les œuvres d’autres peintres, certains que je connaissais déjà et d’autres que j’ai rencontrés au cours des années suivantes. Peut-être s’agissait-il de questions traitées par la génération d’artistes qui a grandi avant l’assaut de l’internet et du monde numérique? Qu’en était-il de la compréhension de la peinture par le public et de la manière de l’appréhender? Au fur et à mesure que je voyais de nouvelles expositions et que je rencontrais des artistes, des relations ont commencé à se nouer et l’exposition a commencé à prendre forme. J’espère que chaque peintre souhaite que son travail soit vu en chair et en os, et j’ai le sentiment que ce groupe d’artistes en tient compte dans le cadre de sa pratique.

Ianick Raymond crée des espaces picturaux en apparence formels dont la complexité vibrante se révèle au fur et à mesure que le spectateur entre en contact avec leur matérialité. Dans les fines lignes peintes inébranlables et presqu’indiscernables des tableaux de Claudia Kleiner, le tout est tout aussi important que les parties. Il y émerge un contrepoint, mais seulement visible au niveau microscopique, tandis que l’ensemble macroscopique scintille, encore une fois dans ce qui semble lutter contre la possibilité de faire l’expérience de la peinture sur un appareil numérique : un motif moiré peint à la main. Utilisant des matériaux non conventionnels tels que des pigments ultraviolets, miroirs et métalliques ainsi que des paillettes, l’œuvre de Karine Guyon développe une structure qui se modifie au moindre mouvement. Megan Wade-Darragh choisit des images qu’elle ne peut pas comprendre visuellement, des images qui évoquent la confusion et la désorientation, visant l’atmosphère plutôt que le volume et l’affect plutôt que la description.

Ian Goncharow collecte constamment des images dans les médias, des captures d’écran et d’autres sources numériques. Il laisse ces souvenirs s’installer et percoler, pour finalement les peindre en utilisant une grande variété de styles picturaux, afin d’étendre et de corrompre le langage et la narration de l’image originale, ressemblant harmonieusement à un collage pêle-mêle, à des juxtapositions directes ou à des mises en scène autonomes. Colin Canary puise dans les archives familiales et les photographies personnelles pour emprunter des instants de membres, de visages flous, de fleurs et de mauvaises herbes apparemment piégés dans des états fragmentaires, manifestant et chassant les espaces liminaux entre les temps, dans un chœur envoûtant. John Drew Munro travaille le collage et la peinture en utilisant les deux côtés de la surface translucide, atteignant un degré d’équilibre qui combine à la fois l’harmonie et la dissonance, et créant quelque chose d’unique en utilisant à la fois la couleur et l’espace.

Pour poursuivre dans le domaine du numérique, les trompe-l’œil d’Anaïs Goupy visent à remettre en question la perception du spectateur face au droit d’auteur et à mettre en évidence l’objectification des femmes par l’imagerie générée par les réseaux neuronaux, en utilisant les premières générations d’applications d’IA. Dans les tableaux présentés, nous y retrouvons la pop star Britney Spears et l’influenceuse Kim Kardashian. Les résultats inattendus soulignent la façon dont les réseaux neuronaux dénaturent leurs personnages en les réduisant à de simples parties du corps. Les aquarelles de Beth Frey sont une nouvelle extension de sa pratique dans un univers expansif où elle est souvent le personnage principal, déformée et transformée par des applications accessibles sur téléphone intelligent et des outils de génération d’images par IA, faisant ressortir les contradictions de son sujet, qu’il s’agisse du genre, du corps ou des médias sociaux.

La lutte des peintres pour rester frais, dynamique et pertinent semble être plus difficile que jamais de nos jours. L’invention de la photographie dans les années 1800 a annoncé les premiers chants de la « mort de la peinture », et tout au long de l’histoire, la peinture continue de se heurter à des barrages, mais demeure toujours. Aujourd’hui, avec les progrès du monde numérique, des médias sociaux et de l’IA, quelle meilleure manière de battre le jeu que de créer quelque chose qui ne peut pas être vu correctement à l’écran? Une image qui nécessite un regard personnel pour comprendre sa physicalité, la véritable façon dont la peinture devrait être vue. La réverbération est définie comme le phénomène de la persistance du son, après qu’il fut arrêté en raison de réflexions multiples sur des surfaces dans un espace fermé. Les artistes de Reverb persistent dans leurs pratiques respectives pour que vous puissiez entendre ce qu’ils ont à dire.

Pictura