Tromper l’oeil

Du 5 mars au 23 avril 2022
Tromper l’oeil : Mathieu Cardin, Hédy Gobaa, Holly King, Guillaume Lachapelle, Marie-Claude Lacroix, Erik Nieminen, Greg Payce, Karine Payette, François Quévillon, Matt Schust, Gilles Tarabiscuité

Texte de Béatrice Larochelle

Duperie, mensonge, supercherie – le faire accroire est un procédé souvent perçu d’un mauvais œil. L’illusion, pour sa part, serait un exercice frauduleux dont il est possible de ressortir gagnant, ou non : perspicace ou crédule. N’est-il pas le premier réflexe d’un spectateur que de chercher le miroir, lorsque l’assistante du magicien se fait scier en deux? Il semblerait que l’humain n’aime pas se faire prendre au jeu, particulièrement quand on ne lui en donne pas les règles. L’histoire de l’art, pourtant, n’est constituée que de simulacres. Qu’y a-t-il de plus faux qu’un paysage d’huile apposé sur une toile?

Une fascination nous saisit lorsque l’on s’aperçoit que nos yeux nous jouent des tours. L’artifice demeure malgré tout, un terreau fertile à notre imagination et notre enchantement. Il pousse notre intérêt et notre curiosité vers des horizons inexplorés. Tromper l’œil se présente ici comme un point de dérive, un renversement des notions du réel et de la fiction, une perte d’ancrages dans un monde vacillant. Les artistes présentés ici provoquent un glissement vers un univers intriguant où la fiction frôle la magie.

Certains, comme Marie-Claude Lacroix et Matt Schust, utilisent la peinture pour brouiller nos repères. Ils façonnent des mondes où les codes sont flous, où les matières se confondent. Erik Neiminen et Hédy Gobaa, avec le même médium, conçoivent des espaces distordus qui perdent leur sens dans l’œil de l’observateur.

D’autres usent de subterfuges plus complexes pour tromper notre vision. François Quévillon utilise le médium de la vidéo et de l’impression lenticulaire pour simuler la mutation et le déplacement d’objets organiques. Karine Payette, reconnue pour ses sculptures installatives plus vraies que nature, propose avec ludisme des situations fictives et des objets fantasmagoriques, plongeant le spectateur dans un étrange inconfort. Quant à Gilles Tarabiscuité, il propose de renverser la notion de tromperie pour créer des vérités « pures ». Déjouant la première impression de la modification numérique, l’artiste suggère des images photographiques sans aucune altération, des photographies absolues.

Mais qu’en est-il de ces artistes qui nous dévoilent leur stratagème, qui nous invitent dans leur monde secret? Par le biais de ses boîtes à visionnement, Holly King nous divulgue la manière dont elle bricole ses photographies de paysages si envoutantes. Comme si on mettait les pieds dans un conte de fées, on retrouve dans son travail le jeu de tailles, de perspectives et de matériaux trompeurs qui permettent la création d’un récit inspiré par les grands peintres du sublime et du romantisme. Mathieu Cardin, quant à lui, expose une fenêtre sur les coulisses de son leurre. S’amusant à duper le spectateur pour ensuite lui expliquer le fonctionnement de son artifice, Cardin joue avec la tension qui oppose le mirage et le tangible. Difficile d’affirmer si l’aveu, esthétiquement composé, tente lui-même de nous duper. C’est dans cette perspective que Tromper l’œil rassemble deux dispositifs distincts, celui du faire accroître et celui de la révélation.