Hélène et son mari (Hélène Chouinard et Jean-Robert Drouillard) :
Les couleurs de la terre
Texte de Marie-Pier Bocquet
Pour une première exposition en duo, Jean-Robert Drouillard et Hélène Chouinard font dialoguer leurs pratiques de sculpteur et de céramiste au sein d’un corpus développé en tandem. Si leurs spécialités disciplinaires respectives sont manifestes dans les savoir-faire que nécessitent la production des œuvres, elles se mélangent également dans des objets hybrides qui les font se rencontrer.
Résistant à une mise en opposition, les œuvres témoignent plutôt de la complicité des artistes dans la vie et dans le travail, dont l’incarnation la plus visible est un usage commun des matériaux de prédilection de l’un ou de l’autre. C’est le cas lorsque la porcelaine colorée intègre les sculptures à apparence humaine auxquelles Drouillard se consacre depuis quelques années. L’incursion d’un nouveau matériau génère alors des formes foisonnantes, composées d’un assemblage de pièces tirées de la vaste production de Chouinard. C’est que les artistes, grâce aux explorations propres à leurs pratiques d’atelier, partagent un intérêt pour le multiple, la répétition, la série, en tant que mode de création autant que de dispositif de présentation. Cette stratégie est d’ailleurs particulièrement exploitée dans la mise en exposition de plusieurs centaines de bouteilles moulées à partir d’une douzaine de modèles différents, dans une installation occupant un large pan de mur. Par son volume imposant ainsi qu’un habile usage de déclinaisons chromatiques, cet ensemble capte immédiatement l’œil. Un examen plus attentif révèle la lisse perfection des bouteilles, et nous fait prendre conscience des indéniables qualités esthétiques que la recherche de Chouinard sur la couleur confère à ces objets. Ceux-ci sont toutefois créés de façon à pouvoir être utilisés en tant que contenants à l’usage du quotidien, signe d’une préoccupation autant pour la fonction que pour la forme.
Car il émane effectivement du travail des artistes une impressionnante maestria technique : c’est celle des artisans et artisanes possédant une expertise ou un métier, qui permet à ces bouteilles d’être à la fois des objets artistiques et utilitaires et à ces sculptures de reproduire si fidèlement la forme humaine que l’on pourrait s’y faire prendre. L’impression d’être en présence d’œuvres parfaitement exécutées est à peine dérangée par l’étrangeté des figures enroulées dans d’épaisses catalognes desquelles s’échappe la matière. L’apparence des personnages, plus éloignés du trompe-l’œil que ne l’ont été par le passé les œuvres de Drouillard, possède un aspect quelque peu bricolé qui n’est pas étranger à l’usage de matériaux récupérés, réorganisés, ré-exploités hors de leurs contextes d’origine. De même, quelques bouteilles brisées ou déformées, sortes de rejets attendus dans une production sérielle d’une telle ampleur, se prêtent à des inscriptions (silence, lenteur) induisant une approche contemplative. Le fait-main prend donc ici une autre forme, celle de l’expérimentation qui célèbre la transformation et l’accident pour donner lieu à de nouveaux possibles.