níchiwamiskwém | nimidet | ma sœur | my sister

Exposition : Du 4 mai au 16 juin 2018
Vernissage : Vendredi 4 mai 2018 de 17 h à 20 h
Biennale d’art contemporain autochtone (BACA) – 4e edition
www.baca.ca
níchiwamiskwém | nimidet | ma sœur | my sister
Commissaires invitées : Niki Little et Becca Taylor

Aura (Oneida), Eruoma Awashish (Atikamewk), Natalie Ball (Modoc – Klamath), Catherine Blackburn (Dene), Tamara Lee-Anne Cardinal (Cree – Saddle Lake), Jade Nasogaluak Carpenter (Inuvialuit), Uzumaki Cepeda (République Dominicaine), Chief Lady Bird (Chippewa, Potawatomi), Dayna Danger (Metis – Anishinaabe – Saulteaux), Raven Davis (Anishinabe), Lindsay Dobbin (Mohawk), Lita Fontaine (Anishinabe), Brittney Bear Hat (Blackfoot – Cree), Richelle Bear Hat (Blackfoot – Cree), Tsēmā Igharas (Tahltan), Tanya Lukin Linklater (Alutiiq), Caroline Monnet (Algonquin), Sandra Monterroso (Maya Q’eqchi’ – Guatemala), Shelley Niro (Mohawk), Jeneen Frei Njootli (Vuntut Gwitchin), Gilda Posada (Aztec -Xicana), Skeena Reece (Cree – Tsimshian – Gitksan – Métis), Skawennati (Kahnawake Mohawk), Marian Snow (Kahnawake Mohawk), Tasha Spillett (Nehiyaw – Trinidadian), et des œuvres choisies de la collection de La Guilde

Performance : Vendredi 4 mai à 19h
Odaya

Performance : Vendredi 18 mai, 18 h
Sinuosity, par Jeneen Frei Njootli et Tsēmā Igharas

L’une l’autre, l’une pour l’autre
Texte de Niki Little et Becca Taylor

Pour nous, le projet de cette exposition a commencé à la table de cuisine, après le repas. Comme nous l’avions déjà fait pendant de nombreuses soirées, nous avons raconté nos expériences à nos sœurs, ces femmes qui sont devenues nos sœurs. Ensemble, nous avons discuté des actions et des mouvements communautaires menés par des femmes, avant nous. Nous imaginons les conversations qu’ont pu avoir les femmes au fil du temps, assises autour d’un feu, d’un tambour, d’une œuvre commune, d’une table. Nous saluons ces femmes incroyablement fortes qui, par delà le temps, partagent avec nous leurs repas, leur personnalité bienveillante et leur sagesse. Ces liens étroits à la fois nous rendent plus humbles et nous inspirent dans nos relations avec nos proches et nos communautés. L’exposition níchiwamiskwém | nimidet | ma sœur | my sister est une réflexion sur le lien, la collaboration et la rencontre. Nous la considérons comme une action collective de 40 artistes aux pratiques et aux techniques variées.

Et nous nous sommes rassemblées… Vos femmes respirent à côté des miennes1.

La 4e édition de la Biennale d’art contemporain autochtone (BACA) se déroule à six endroits : la Art Gallery of Mississauga, Art Mûr, Galerie d’art Stewart Hall, La Guilde, Musée des beaux-arts de Sherbrooke et Musée McCord. Chaque lieu se fonde sur des éléments communautaires pour inviter les spectateurs à participer, à écouter et à partager, entourés des relations variées et superposées que nous vivons dans la sororité autochtone. Nous sommes liées en tant que sœurs par nos connaissances et nos expériences communes. Chaque lien de parenté comporte des relations différentes et multiples, qu’elles dépendent d’une cérémonie, d’une manifestation ou encore des ancêtres, de la région ou de l’identité des personnes concernées. Au sein de ces relations, nous restons entières et enracinées, les utilisant comme source de soutien et de nourriture spirituelle dans notre évolution.

Les relations transcendent le travail artistique matériel. Les artistes collaborent avec d’autres artistes, et les femmes autochtones deviennent le sujet central. Des photographes, des compositrices, des interprètes et des artisanes s’entraident, et ce, de la conception à la réalisation. L’art devient un intermédiaire, qui nous unit à celles avec qui nous voulons passer notre temps. Nous comptons sur ces femmes pour nous protéger dans nos vies, nos pratiques et nos célébrations. Le titre de la Biennale, níchiwamiskwém | nimidet | ma sœur | my sister, est le prolongement de notre appartenance et de notre acceptation. Nous sommes dévouées à nos sœurs, nous sommes là les unes avec les autres, les unes pour les autres.
Lorsque je me définis, précisant les aspects qui te ressemblent et ceux qui ne te ressemblent pas, je ne t’exclus pas de la rencontre — j’approfondis la rencontre2.
Ces relations, comme l’identité des personnes concernées, sont diverses et vont au-delà de la vision occidentale des genres, qui généralise une définition de la femme et de son rôle à ce titre. Bien que nous utilisions des termes féminins, tels que « femmes » et « sœur », dans les textes connexes à l’exposition, nous n’entendons pas exclure les personnes qui ne s’identifient pas de cette façon. Pour nous, le terme « sororité » englobe les femmes, les femmes transgenres, non-binaires et les individus bispirituels autochtones.

Nous reconnaissons que la tentative de décrire les philosophies autochtones au sein des structures occidentales est une négociation en cours et les réalités de la tentative d’effacement de notre culture par la colonisation. La sœur ressemble à un écho, commençant par notre esprit et se répercutant vers l’extérieur. Sa réflexion devient nos responsabilités les unes pour les autres. Notre priorité pour cette biennale était de créer un espace dans le « monde de l’art » où il est possible de sortir de la perspective marginalisée des femmes autochtones, qui ne concerne pas seulement le traumatisme et la survie, mais nous.

Nos voix
Nos intérêts
Nos communautés

Nous occupons cet espace en toute sécurité. Nous exprimons notre identité, tout en demeurant les alliées de nos sœurs qui ont d’autres identités. Nous leur donnons l’occasion d’engager et d’entretenir la conversation de leur voix unique.

La reconnaissance de l’apport déterminant de nos relations pour nous et nos communautés est au centre de cette exposition. Le poids que nous portons tandis que nous parcourons et créons des espaces est réparti sur de nombreuses épaules. Chacune de nous honore le travail effectué pour nos sœurs, par lequel nous les guérissons tout en nous guérissant, physiquement et spirituellement. Que nous joignions nos voix à celles de nos sœurs pour leur donner plus de puissance ou écoutions silencieusement les secrets qu’elles murmurent, nous les protégeons, nous favorisons leur évolution. Ces actions de nous tenir, laver, soigner, écouter et protéger l’une l’autre dans un esprit subtil d’unité, et de soutien et d’admiration mutuels, fusionnent nos corps dans la force et la stabilité. Par des soins aimants, nous soutenons nos sœurs dans leur progression.

Je représente l’avenir des femmes en Amérique du Nord, exactement comme toute autre femme3.

Les femmes qui défendent nos droits et nos communautés organisent tant de nos rassemblements et de nos mouvements sociaux. Ce sont des meneuses qui donnent voix à nos communautés et préparent notre avenir, tout en honorant avec reconnaissance celles qui nous ont précédées. Avec détermination, elles font la promotion de la responsabilité collective. La transmission de nos activités et des croyances et valeurs communautaires, dirigées vers nos environnements urbains et ruraux, s’opère par l’action et les manifestations, amplifiées par les images d’affiches. Ce langage visuel de la protestation, qui a des échos dans les rassemblements formés partout sur l’île de la Tortue, a été créé par des artistes. Ces œuvres, qui appartiennent à la communauté, sont des images de résilience; elles existent grâce au soutien national et international apporté à l’ensemble des communautés autochtones.

Nous reproduisons ces images, qui témoignent de notre militantisme et de notre fierté, sur nos vêtements. Ils réclament ainsi pour nous la possession de notre corps et la reconnaissance de nos droits. Nous nous habillons la tête haute. Nos vêtements, les dessins de nos t-shirts, nos boucles d’oreille et même nos tatouages sont des prises de position écrites sur nos corps. L’accessibilité de ces articles nous permet de les exposer publiquement avec fierté — de nous parer d’affirmations et d’images de résistance, de résilience et d’honneur. Ce sont nos liens avec nos communautés, nos traditions et nos droits en tant que femmes autochtones, femmes transgenres, non binaires et bispirituelles, qui sont exposées fièrement. Ces signes de savoir-faire et de fierté, transmis de génération en génération et transformés par chaque génération pour devenir ses propres images, ont traversé les décennies en conservant autant de signification et de pouvoir que lorsqu’ils ont été créés pour la première fois.
Je présente le personnage de Coyote aux spectateurs sous la forme d’une femme, représentation de moi-même en tant qu’artiste. Elle est indépendante, orgueilleuse, ambitieuse, capable de se métamorphoser et possède, entre autres, toutes les qualités traditionnelles de Coyote4.

Production d’idées, métamorphoses du passé au présent et à l’avenir, expression d’un sentiment d’appartenance, représentation de l’histoire et de l’identité que nous revendiquons. Nos identités, rassemblées dans un lieu, mobilisent l’instant présent pour valoriser l’histoire de nos ancêtres et récrire l’inclusion dans nos propres mots. Par un temps non linéaire, nous rendons la transmutabilité, qui caractérise les relations interchangeables et harmonieuses que nous avons avec la tradition et l’avenir espéré. Dans cette exposition, nous reconnaissons qu’en tant que femmes, dans nos communautés et dans la société, nous jouons de multiples rôles. Nous sommes mères, sœurs, tantes, nohkoms, transmetteuses de connaissances, omasinipiihikek, sages-femmes, militantes, protectrices des cours d’eau, avocates, universitaires, chefs de communautés… Seules, nous ne sommes pas tout ça, mais ensemble, oui.

Lorsque nous reconnaissons notre relation les uns aux autres, nous devons également étendre cette reconnaissance à la terre et notre compréhension silencieuse de l’autre et de nos histoires. Le souffle que nous partageons — cette communication profonde entre nous — à l’occasion d’une souffrance ou lors d’une cérémonie dans le mouvement, crée un espace de réflexion, de compréhension et de transformation; il nous rappelle d’écouter et d’être. Dans cette communication intime, nos esprits s’accordent l’un avec l’autre et avec nous-mêmes, pour inspirer de nouveau notre vie quotidienne et nos activités.

Nous présentons nos relations par cette œuvre collective de pensée, d’action et de résilience, unissant des travaux, des significations et des collaborations variées, qui sont propres à chacune des artistes. La Biennale repose sur la réflexion de ces personnes qui collaborent au sein d’un collectif. Ma sœur n’est pas une nouvelle conversation ni une conversation qui laisse entendre seulement les voix de ces artistes. C’est une conversation à une grande profondeur, qui intègre d’autres récits et des pensées futures. D’une seule voix, nous, Niki et Becca, adressons nos remerciements, ekosani, miikwehc, à toutes ces artistes, généreuses de leur temps, de leurs paroles et de leurs réflexions. Grâce à votre perspicacité, vous nous avez aidées dans notre vision de cette exposition et dans nos relations. Le temps et les conversations que nous avons partagées les unes avec les autres se sont étendu à la rédaction de cet essai. Pour cela, nous reconnaissons chacune d’entre vous.
1. Lesley Belleau. Cornhusk Dolls, Indianland, 2017, 13 p. Traduction.

2. Extrait traduit d’une entrevue lors de la renaissance du féminisme, cité par Nancy K. Bereano dans l’introduction du livre d’Audre Lorde, Sister Outsider: Essays and Speeches, Ten Speed Press, 1984, p. 11.
3. Lee Maracle. I am Woman: A Native Perspective on Sociology and Feminism, Vancouver, Press Gang, 1996, p. 139
4. Citation traduite de Natalie Ball, sur l’exposition Mapping Coyote Black (représentation de Coyote noire) au Nerman Museum d’art contemporain