Vernissage : Le samedi 17 janvier de 15h00 à 17h00
Michelle Lundqvist : Reticence
Réverbérations des espaces
Texte de Chloé Savoie-Bernard
La série Reticence de Michelle Lundqvist happe le spectateur. D’abord par le format de plusieurs de ses toiles, immenses ; celles-ci obligent un regard qui, à la fois, englobe et est englobé par ce qu’il observe. Ces œuvres conjuguent dans la contemporanéité d’une fulgurance les acquis du minimaliste pictural à la nouveauté de la forme. On décrypte ainsi la filiation d’un Yves Gaucher dans le travail de Lundqvist, notamment dans la juxtaposition d’un arrière-plan abstrait où se distinguent de fines lignes. Outre ces recoupements visuels, ce qui réunit le travail de ces deux artistes est la complexité tranquille d’un langage pictural qui est le fruit d’un travail singulier, d’une prise du monde unique.
D’une attraction tellurique, les dégradés de couleur pastel — teintes de gris, blanc, mauve — rappellent le ciel. Mais le ciel, bien qu’il gouverne tous les hommes, selon les changements météorologiques, est insaisissable dans son essence même. Le travail sur la couleur de Lundqvist montre cette impossibilité de rendre avec précision ce qui ne saurait être contenu, la couleur se fondant avec d’autres dans de multiples amalgames. Chez elle, la couleur ne possède pas de pureté immanente, mais est, au contraire, profondément hétérogène, sujette aux oscillations ; elle est inépuisable, perpétuellement relancée dans un devenir. Sur le qui-vive, la couleur s’apprête constamment à se muer en une autre.
Le travail de la ligne, élément géométrique, dont la netteté a été calculée mathématiquement, vient ainsi se fondre dans l’organique de la couleur. Mais la ligne chez Lundqvist, même si elle vient transpercer l’espace, n’est pas arme ou violence, puisqu’elle est affectée également par les lieux qu’elles traversent. Par osmose, absorption, ces lignes dévoilent, tout en transparence, les mêmes couleurs qui ont été travaillées en arrière-plan ; ce qui semble ainsi appartenir à deux systèmes picturaux différents s’absorbe l’un et l’autre. Ces lignes marquent ainsi la latence de l’environnement et l’impossible appropriation d’un paysage à jamais sauvage à la mainmise de l’homme. L’imaginaire mis en scène par Lundqvist devient ainsi celui d’une sensibilité extrême, d’une porosité des corps qui, s’ils apparaissent en premier lieu étrangers l’un à l’autre, n’en finissent pas moins par devenir inextricablement liés par une contamination poétique.