Texte de Mathilde Savard-Corbeil
Ce que l’image veut. Ce que l’image peut.
Le désir que possède Simon Beaudry de conjuguer art et politique à travers les œuvres de Câliboire est transparent. Son engagement en faveur de l’indépendance du Québec est publiquement connu, affirmant cet ancrage idéologique au sein du collectif Identité québécoise, dont il fût le cofondateur. Malgré cette prise de position franche, c’est autrement qu’il faut considérer sa production artistique. Son art n’est pas celui d’une persuasion politique. L’image n’essaie pas d’imposer une pensée ou une vision unidirectionnelle, mais se pose plutôt comme un dialogue ouvert. Parce que l’image n’est pas un contenu fixe, ni fini. Ce travail cherche à repousser les frontières des discours, et étendre le débat à d’autres contextes. Des lieux qui permettent l’échange et la redéfinition. À travers un art qui établit une relation entre le public et le politique, l’image explore les possibles de l’identité en impliquant le spectateur.
Câliboire utilise l’espace de l’art contemporain comme déplacement. Le corpus de Simon Beaudry se pose comme un vecteur de changement. C’est une image qui a conscience de son pouvoir en tant qu’image et qui, par le seul fait de s’exposer en galerie, sait déjà qu’elle suscite une réflexion. Et là est son pouvoir. D’ouvrir les possibles. De se montrer malléable, prête à redéfinir. Cette relation entre l’art et le public permet au politique de s’accaparer une tribune et à l’image d’ouvrir une réflexion qui transcende ses propres limites.
Rapport de force & jeux de pouvoir.
Les œuvres de Simon Beaudry s’inscrivent dès lors dans une tension qui souhaite exprimer un contexte politique précis, celui du Québec, tout en voulant proposer une esthétique à une identité en pleine mutation. Toutefois, leur potentiel visuel a un pouvoir bien précis qui inscrit ces images dans un rapport de force, leur donnant un impact réel. L’universalisme du langage visuel permet à la réflexion politique en art contemporain de rejoindre un public qui, à son tour, peut s’investir dans la question identitaire. Ce rapport de force vient également redéfinir le rôle de l’artiste, passant de producteur d’images à agitateur social, utilisant le visuel comme onde de choc, comme lieu de confrontation d’idées, où, par la nature même de l’image artistique, tout devient possible.
Du besoin à la nécessité. L’engagement social et politique en art contemporain.
Les œuvres qui constituent l’exposition Câliboire parlent d’elles-mêmes et se révèlent en tant que questionnements social, politique et identitaire. Mais, en tant qu’images, en tant que documents, elles constituent aussi une preuve tangible de cette réflexion. Elle laisse une trace de ce questionnement sur l’époque contemporaine, l’inscrivant dans une démarche plus grande. Dans une histoire collective. Ce travail devient donc un art de l’archive, de l’inventaire, de la documentation d’une histoire qui veut réaffirmer ses racines, mais qui cherche également à s’actualiser. En utilisant à la fois des objets emblématiques qui relèvent de la tradition québécoise et en empruntant des éléments à la culture contemporaine, ce travail de documentation devient hybride, propre au questionnement qu’il entraîne et à l’esthétique qu’il propose. C’est un art qui, par le mélange, affirme la présence du politique dans l’image, y soutenant la tension qu’il cause tout en l’exploitant afin d’engager un dialogue avec le public, mais aussi avec la question identitaire.