Davis Liss : Songs of the Apocalypse
Commissaire : David Liss
Texte de David Liss
Traduit par Jennifer Couëll
L’exposition Chants de l’Apocalypse est directement inspirée des Chants d’innocence et des Chants d’expérience de William Blake. Ces recueils ont été publiés ensemble pour la première fois vers 1794, en tant que réflexion sur ce passage qui, selon Blake, conduit de l’innocence de l’enfance à la condition d’expérience de l’âge adulte, une étape qu’il décrivait comme une transition entre un état naturel et un état devenu étranger à la nature. Si, dans le lexique complexe de Blake, la rose représente l’innocence, et le ver invisible, l’infection destructrice de vie, le fait de devenir étranger est un symptôme des forces corruptrices du matérialisme et de notre peur incurable de la mort.
Chants de l’Apocalypse est le troisième projet d’une série d’expositions de groupe que j’ai montées au cours des deux dernières années. Véhiculant jusqu’à présent les visions d’une trentaine d’artistes, elles ont présenté divers points de vue et réflexions sur l’état actuel du monde et sur les caractéristiques physiques et psychologiques de ceux qui présentement l’habitent, en d’autres mots, nous !
Du Bhagavad-gita à la Bible, de l’Apocalypse de saint Jean à l’Enfer de Dante, des pronostics de Nostradamus à la phraséologie poétique de Blake, de Bosch à Black Sabbath, des théories eschato-logiques modernes et postmodernes aux scénarios de science fiction à la Armageddon et à la menace très réelle d’anéantissement nucléaire, il n’y a rien sur lequel on puisse méditer, rien que l’on puisse exprimer, qui soit aussi dramatique et inspirant que la Fin de Tout. En fait, cet état d’esprit « apocalyptique », ce ver invisible, pourrait être un aspect tout à fait naturel de notre conscience, un produit dérivé de la certitude que nous avons de notre propre mortalité. La mort fait partie intégrante de la vie. Bien que la fin potentielle de l’ensemble de notre espèce soit une perspective tragique, à tout le moins pour nous, elle pourrait très bien s’inscrire dans l’ordre naturel des choses.
La représentation de conjonctures apocalyptiques n’est pas forcément le propre des intentions de chacun des artistes réunis pour cette exposition, ni de chacune des thématiques abordées par leurs oeuvres, qui sont à des degrés divers sombres, troublantes, mystérieuses, exubérantes ou parfois même festives et humoris-tiques. Considérées dans leur ensemble, cependant, ces oeuvres sont, de manière directe ou indirecte, porteuses d’un pressentiment de mauvais augure. Chants de l’Apocalypse est le ver rendu visible la nuit; l’infection qui pénètre dans la rose; le virus de la conscience apocalyptique; la tempête hurlante; un poème étincelant; l’équivalent visuel d’une bande son pour la fin des temps.