Vernissage : Le samedi 9 mars 2024 de 15h à 17h
Oli Sorenson : Après moi le déluge
Texte de Christine Blais
L’expression énoncée par Louis XV à la fin de son règne, indifférent aux conséquences de ses actes extravagants, puis reprise par Karl Marx pour stigmatiser la bourgeoisie de son époque, « Après moi le déluge » sert aujourd’hui à mettre en évidence les tensions du profit individuel sur les populations et la nature, au bord du précipice de la catastrophe écologique.
Dans cette seconde exposition individuelle à Art Mûr, Oli Sorenson donne à voir des explorations plastiques et esthétiques qui abordent de front des enjeux contemporains issus de la (sur)consommation, une suite logique à son corpus Anthropocène/Capitalocène entamé en 2020. Si la série précédente ouvrait au dialogue sur ces sujets urgents grâce à l’usage de médiums numériques, on constate désormais une prise de position plus personnelle et concrète, révélée par la présentation de travaux d’atelier qui explorent des matériaux variés et une technique requérant une intervention plus intime : aquarelle, huile, acrylique, aérosols. Cette matérialité traduit une volonté d’engagement avec le public tout en démontrant la vulnérabilité de l’humain, de l’artiste.
Par l’introduction de mise en scène de catastrophes humaines et naturelles avec les œuvres Lac Mégantic – East Palestine, Fonderie Horne, Refugiés et Sans abri, Sorenson poursuit une exploration à échelle humaine, cette fois par l’archivage d’événements réels et relativement près de nous, pourtant complètement évitables. Il met ainsi en évidence les conséquences directes de l’abus capitaliste de faire profit sur la population et la nature. C’est ce que l’on retrouve également dans l’introduction récente de silhouettes humaines dans une conceptualisation presque violente d’abstraire l’humain, comme on peut le constater notamment dans l’œuvre Socles du monde économique.
Ce constat du glissement dramatique du traitement de l’humain en tant que ressource, au même titre que les ressources matérielles et marchandes, rappelle l’approche fondamentalement relationnelle de la pratique de Sorenson. D’ailleurs, l’artiste mobilise les publics en abordant de front la dérive irrationnelle et le déni face à l’expérience collective des changements climatiques, présents aussi dans le discours performé Mort Climatique et le triptyque augmenté de tubes néons Trois singes.
La géométrie qui demeure l’ancrage de la pratique de Sorenson, rappelant les pixels et les jeux vidéo tels Minecraft, le remixage des langages du Web et des réseaux sociaux, s’inscrit comme une stratégie ludique vers une conversation néanmoins urgente dans laquelle nous sommes tous engagés de près ou de loin.
Après moi le déluge cherche à mettre fin au déni : Sorenson ne pose pas seulement un regard critique et militant sur une vision du monde existante, mais met en lumière les tensions capitalistes et écologiques, tout en ouvrant à une prise de conscience personnelle.