Tout se perd, rien ne se crée

Du 2 mai au 20 juin 2015
Vernissage : Le samedi 2 mai de 15h00 à 17h00
Michel Piquette : Tout se perd, rien ne se crée

Michel Piquette : Villes chromatiques
Texte d’Anaïs Castro

De prime abord, ce sont les couleurs lumineuses des œuvres Michel Piquette qui stimulent l’œil. Ces roues chromatiques qui attisent la vision s’inscrivent dans une tradition esthétique de plusieurs décennies déjà : pensons aux œuvres circulaires de Claude Tousignant et de Kenneth Nolan, entres autres. Pour Boris Chukhovich, « les interactions chromatiques rendent dynamique et animé l’espace d’exposition entre le tableau et le spectateur. » Dans son parcours au sein de l’espace de la galerie, celui-ci découvre de nouveaux détails, de nouveaux points de vue. Même immobile, c’est l’œuvre elle-même qui s’active sous les yeux du regardeur attentif. En entrant dans un rapport actif entre l’œuvre et son public, Piquette happe l’intérêt de son visiteur qu’il investit physiquement dans son manège.

Si, au premier regard, ces œuvres apparaissent impeccables, d’une qualité d’exécution irréprochable qu’on attribuerait aux Plasticiens, un œil soucieux y détectera des imperfections qui humanisent la composition générale, qui enregistrent l’intervention de l’artiste. Ceci est d’autant plus surprenant lorsqu’on considère que celui-ci ne travaille pas la peinture, bien que sa démarche emprunte beaucoup au vocabulaire plastique minimaliste. C’est à travers la photographie qu’il imprime sur aluminium que l’artiste cherche à immortaliser l’énergie d’une ville captée dans un moment concis : son mouvement enivrant, sa complexité, ses lumières tout autant que ses couleurs. Toutes pérennisées lors de divers périples noctambules, les œuvres de cette série de portraits urbains composent la première partie d’une trilogie amorcée il y a déjà quelques années.

Il y a, dans l’œuvre de Piquette, une préoccupation récurrente pour les phénomènes optiques que l’artiste aborde en effectuant un rapprochement entre les univers pictural et photographique. Le dynamisme statique de son travail révèle sa position d’observateur, son œil à l’affût devant les mouvements et lumières des villes qu’il visite la nuit. En redistribuant l’énergie urbaine qu’il capte lors de ses errances nocturnes en des structures visuelles toutes plus étourdissantes les unes que les autres, Piquette réintègre dans le vocabulaire artistique actuel des préoccupations visuelles possédant un riche bagage.

Plusieurs considérations esthétiques s’y mêlent. Pensons au paysage urbain à la source de son processus créatif, au temps qu’il place comme sujet ou encore au système chromatique qui semble être à la fois l’influence primaire et le résultat de ses manipulations techniques. C’est précisément ce qui fait la force du travail de Piquette. En juxtaposant dans une même surface plusieurs niveaux de réflexion, l’artiste s’approprie la complexité du monde urbain, son foisonnement, son abondance. Un peu à la manière de la figure du chiffonnier de Baudelaire, Piquette est un observateur urbain qui réinvestie l’espace de la ville et la métamorphose pour en conserver l’essence même.