Eddy Firmin s’intéresse aux politiques de partage du savoir ainsi qu’aux conflits épistémiques qu’ils engendrent chez l’artiste colonisé. Il s’attache ainsi à remédier les codes d’une pratique ancestrale, le Gwoka (entre danse, chant, conte et musique). Cette dernière appartient à une épistémè bossale, soit à une très grande famille de pratique afro-caribéenne édifiée pour résister aux violences coloniales (tels que le Paracumbé, Guineo, Bélè, Calenda, Bomba, Tambú, etc.). Cette nécessité impérieuse de transférer des codes ancestraux vers les récents médiums visuels est dû au fait que ces îles de Guadeloupe et Martinique n’ont pas produites de tradition visuelle à laquelle me référer, cela à cause des interdits de l’esclavage sur un périmètre restreint.
Hormis la résistance, l’un des codes principaux de cette pratique est la lokans. Propre au chanteur/conteur, il a pour but de masquer la résistance des esclaves sous les atours d’un chant plastique mû par une virtuosité technique. La lokans est alors le bouclier de fleurs derrière lequel gronde la guerre, car c’est aussi l’art du double langage. Ainsi, sa pratique, entre autres codes, use de celui-ci. Technicité et esthétique flamboyantes ont pour but de séduire et le discours de fond allié à d’autres types de codes ont pour but de résister aux discours maîtres (dans les arts, comme dans l’espace social). En somme l’artiste tente de rééquilibrer et concilier deux structures de partage du savoir.
Originaire de la caraïbe française (Guadeloupe), Eddy Firmin est Artiste-chercheur. Docteur en Études et Pratiques des Arts de l’Université du Québec à Montréal [Canada] et détenteur d’une maitrise de l’école d’art visuel du Havre-Rouen [France], il est directeur de publication de la revue décoloniale Minorit’Art. Dans ses œuvres, il interroge les logiques transculturelles de son identité ainsi que les rapports de forces qui s’y jouent. Au plan théorique, il travaille à une Méthode Bossale, soit une proposition de décolonisation des imaginaires en art.