Dieux mineurs

Du 10 septembre au 31 octobre 2015
Vernissage : Le jeudi 10 septembre de 17h00 à 19h00
Bevan Ramsay : Dieux mineurs

Texte de Vincent Marquis

L’œuvre de Bevan Ramsay est troublante. Intitulée Dieux mineurs, la série de bustes finement exécutés évoque ceux dont on a hérité de la période baroque, et dont l’esthétique est encore aujourd’hui synonyme de triomphe, d’opulence, de pouvoir. Ses sujets, en revanche, ont peu à voir avec cette prétendue grandeur baroque : sans-abris abordés par Ramsay lors de ses méandres dans les boroughs de New York, des « citizens » ordinaires, de « vrais New-Yorkais », comme l’exprime l’artiste.

Ramsay reconnaît que ce décalage entre l’esthétique et le sujet — voire entre les spectateurs et le sujet — suggère rapidement une lecture politique de l’œuvre, comme une dénonciation des écarts sociaux-économiques injustes qui imprègnent nos sociétés et marginalisent certaines classes ou communautés. Mais l’artiste insiste que l’œuvre évolue au-delà de cette interprétation intuitive : « Ce qui m’intéresse est le fait qu’il existe une relation intime particulière entre le modèle, l’artiste et le spectateur » . Au lieu de présenter ses sujets comme victimes, Ramsay choisit de les idéaliser, sollicitant ainsi le regard critique et interrogateur de ses spectateurs plutôt que leur contemplation naïve, les encourageant à réaliser le rôle social qu’ils occupent dans cette triangulation.

Certains esprits critiques se poseront peut-être la question : l’œuvre Citizens parvient-elle réellement à venir en aide ou à améliorer la situation des communautés ou des individus qu’elle représente? C’est que l’objectif, répond Ramsay, n’est pas tout à fait là. Ramsay exemplifie plutôt un modèle théorisé notamment par Claire Bishop, selon lequel l’art socialement engagé ne découle pas de l’injonction « aimer son prochain », mais plutôt d’une position de responsabilité et de respect à l’égard de ses propres désirs .

La logique d’un tel art repose d’abord et avant tout sur la responsabilité de l’artiste envers ses propres ambitions, plutôt que sur l’obsession de produire une œuvre aux conséquences nécessairement positives. « L’impulsion à la base de l’œuvre est mon désir profond d’explorer et de réfléchir à des enjeux que je trouve personnellement compliqués ou problématiques » . Charité bien ordonnée commence par soi-même? Effectivement, mieux vaut respecter sa propre intégrité plutôt qu’agir dans la culpabilité et le désordre. En fin de compte, l’œuvre de Ramsay et la théorie de Bishop visent la même aspiration : un art socialement engagé qui implique l’artiste, le participant et le visiteur dans une démarche intelligente, respectueuse, collaborative et, par-dessous tout, intègre.