Vernissage : Le samedi 9 septembre 2023 de 15 h à 17 h
Patrick Beaulieu : Transvasements
Cette exposition fait partie de la programmation satelite de Momenta
Samedi 30 septembre 2023, 17 h
La galerie Art Mûr invite le public à assister à une performance musicale en direct de la formation MOAB @moab_musique dans le cadre de l’exposition Transvasements de l’artiste Patrick Beaulieu. La bande sonore de l’oeuvre vidéo Transvasements est issue d’une session d’enregistrement « psychédélique » du groupe MOAB, réalisée durant la nuit du 3 avril dernier au studio presqu’île, à Montréal.
En collaboration avec les bières Boldwin, et dans le cadre de Galeries Weekend Montréal.
Texte de Julie Martin
Remettre les déplacements du corps et du regard à ce qui nous échappe. Rendre compte d’un voyage qui rompt avec les exigences de rapidité et d’efficacité dictées par nos modes de vie actuels. Parler du chemin, des espaces traversés et du temps égrainé plutôt que de la destination. Voilà les intentions à l’origine du travail de Patrick Beaulieu, qui a logé au cœur de sa démarche artistique les excursions, les territoires, les rencontres fortuites avec les forces naturelles et avec celles et ceux qui habitent les paysages.
Cette fois, l’artiste choisit un itinéraire qui n’est laissé ni à l’initiative involontaire des papillons, ni à la dérive incontrôlable des courants, ni aux aléas du vent. C’est un trajet bien tracé qui le guide. Une ligne d’eau imposée à la terre par la ferveur humaine : le Canal du Midi et le Canal latéral à la Garonne, qui ont révolutionné en France au XVIIe siècle le transport fluvial en reliant la mer Méditerranée à l’océan Atlantique.
Sur une barque léguée par un ostréiculteur rencontré sur la côte atlantique, et qu’il a réaménagée pour les besoins du voyage, l’artiste s’en remet aux eaux domptées du canal. Sous le ciel automnal, avant que les écluses ne cessent, le temps de la saison hivernale, leur flegmatique et pourtant indispensable mouvement, il traverse, seul, 35 jours durant, le territoire tour à tour urbain et rural, de Royan à Sète.
Dessiné, projeté, photographié, finalement classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, cet ouvrage n’a, de cesse, été représenté. Néanmoins, l’image qu’en propose Patrick Beaulieu dépasse celle offerte par les cartes postales ou les photographies produites par les touristes qui en arpentent les berges. Aux chemins de hallages prisés dans les villes par les coureurs et les cyclistes, il préfère les espaces en marge, les villages désertés, les zones marquées par une activité industrielle révolue qu’il filme. Il photographie les bateaux alanguis sur les rives terreuses et récolte les noms qui leur ont été attribués comme autant de témoignages de rêves et de fierté évanouis. Puis, il les associe pour créer de courts haïkus, livrant parfois la critique feutrée d’un monde auquel cet espace-temps engendré par la lenteur et la vacance semble s’être soustrait.
L’artiste restitue aussi son cheminement en filmant, lors de son passage, le dessous de chacun des ponts qui enjambent le canal. Fissurées, encrassées, sombres, ces surfaces s’offrent habituellement peu aux regards humains qui se portent plus volontiers sur l’étendue lumineuse et apaisée qu’agite momentanément l’avancée du bateau. De la sorte, Patrick Beaulieu nous tend, dit-il, « le regard de l’eau ».
Pourtant, à l’écoulement ininterrompu et régulier, l’artiste préfère le montage de multiples séquences dans lesquelles l’appareil de prise de vue est basculé vers l’arrière, opérant une tension entre une avancée et un retour. En définitive, une expédition ne se réduirait pas à une progression. Il pourrait pointer ici, comme dans les ciels nuageux, et les berges embourbées, une forme de mélancolie. Mais après l’obscurité provoquée par la présence de l’arche d’un pont, la lumière revient immanquablement, alors s’agit-il peut-être davantage de sérénité.