Question de Principe

Texte de Nicolas Grenier & Annie Hémond Hotte

Cette exposition présente les idées tant convergentes que divergentes d’un groupe de jeunes artistes dont les œuvres interpellent, de manière directe ou indirecte, la pratique de la peinture. Étant peintres nous-mêmes, nous souhaitons mettre en perspective les enjeux particuliers que nous avons découverts durant et après nos études supérieures à Londres et à Los Angeles, respectivement. Nous voulons également, en rassemblant ces œuvres d’artistes provenant de diverses regions de l’Europe et de l’Amérique du Nord, poser une question : la pertinence de la peinture dans le contexte des arts contemporains dépend-elle du seul médium, ou plutôt du dialogue qu’elle entretient avec les autres disciplines et discours artistiques?

Du mileu du 19e siècle au modernisme et jusqu’au postmodernisme usé d’aujourd’hui, la peinture a développé une tendance à ne se renouveler que sur les bases de sa propre histoire. Par contraste, les médias ayant émergé au cours de la même période — photographie, film, enregistrements audio et vidéo, médias numériques — utilisent le monde externe comme matière première. Représentant de nouveaux modes de communication, ces médias furent rapidement adoptés par l’art conceptuel comme antidote à tout ce que la peinture, et plus particulièrement l’expressionnisme abstrait, en étaient venus à représenter : une pratique suprêmement subjective et égocentrique, plutôt macho, matérialisée sous forme de gros objets commercialisables.

Bien entendu, les choses ont changé depuis lors et la rhétorique s’est refroidie des deux côtés. Mais un fossé n’en subsiste pas moins entre la peinture et tout art dit «conceptuel», comme si leurs histoires respectives ne s’étaient jamais métissées. La peinture est encore perçue comme une discipline isolée, insulaire, avec un langage et une histoire qui lui sont propres, dissociant ainsi les peintres des artistes contemporains dont les pratiques multidisciplinaires reposent sur l’héritage de l’art conceptuel, et dont les œuvres parlent les différents langages des médias qu’ils utilisent. C’est cette idée de médias en tant qu’outils (par opposition au médium en tant que finalité, comme est la peinture pour le peintre) qui permit à une variété d’artistes de puiser librement dans l’histoire de la peinture sans devoir porter le fardeau de réinventer un vieux médium. Ce qui serait considéré comme rétrograde pour un peintre peut représenter une nouvelle approche pour, par exemple, une installation vidéo. La peinture a continué d’évoluer l’extérieur du médium lui-même et, ironiquement, il n’est pas surpreneant de trouver des installations, impressions numériques, vidéos ou même de l’art web qui abordent des enjeux propres à la peinture plus directement que certaines «véritables» peintures. Parallèlement, plusieurs peintres — d’Andy Warhol à Gerhard Richter et à Martin Kippenberger — ont repoussé les bornes de la peinture en explorant des territoires conceptuels jusqu’alors étrangers au médium. Mais les bornes elles-mêmes n’en demeurent pas moins encombrantes; artistes, critiques et universitaires s’y heurtent et trébuchent facilement.

En tant qu’artistes et commissaires, nos perceptions respectives de la peinture pourraient difficilement venir de points de vue plus éloignés. Mais nous partageons la même histoire, et avons la même volonté de remettre en question la notion conservatrice de l’aliénation de la peinture. Est-il possible de considérer la peinture non pas comme une discipline définie strictement par la matière picturale, mais plutôt comme un ensemble de caractéristiques, d’enjeux, de problématiques et d’idées appartenant à une histoire parfois exclusive et parfois commune, quel que soit le médium?