Sur un mur, une toile laissée vierge, tendue sur un châssis, dissimule un débordement affectif coloré. Le canevas n’est pas le support, mais bien une des composantes de l’œuvre. Contrairement à la convention picturale, la peinture est appliquée directement sur le mur. La gestuelle de l’artiste, qui évoque celle de l’expressionnisme abstrait, est presque entièrement recouverte par la toile.
Une série d’incongruités se révèle alors au regard. La toile, qui se présente habituellement comme un espace de liberté, est un moyen de contrôle, voire de censure. Le geste du peintre, en apparence spontané, se révèle étudié – Patten travaillant à partir de dessins préparatoires. La peinture devient, par déconstruction, une intervention qui se développe dans l’espace. Dans ce « cube blanc » qu’est la galerie, l’artiste sort du cadre de la représentation afin de réinventer le rapport entre l’œuvre et son contexte d’exposition.
Investissant la tension qui se négocie entre l’art et la quotidienneté, le mobilier de salon que Patten place sur des socles élève cette approche formaliste d’un cran. Des fauteuils, une table et un canapé, en tant qu’objets de consommation choisis par l’artiste sont, grâce à leur dispositif de présentation, collés au plafond.
Exigeant d’être contemplés dans la distance, puisqu’il n’est pas possible d’avoir une vue complète de chacun d’eux, ces objets d’usage courant sont définis comme œuvre d’art uniquement en raison de cette supériorité physique. Invitant à plus qu’une réflexion sur le statut de l’objet, ce dispositif prescrit et limite la perception, nous renvoyant de la sorte à notre rapport à l’objet. À la manière d’une boutade sur la relation entre l’art et la vie, l’installation suggère cette délicate question : l’oeuvre serait-elle devenue inatteignable? Après tout, ces objets nous regardent de haut…
Patten propose ainsi une réflexion sur l’héritage de la modernité et plus largement sur l’art en tant qu’institution. Se jouant des langages plastiques, l’artiste renouvelle les syntaxes, propose un nouvel ordre spatial. Dans ses installations, il prétend rendre le geste artistique impénétrable : alors que la touche du peintre se dérobe, l’objet du sculpteur ne peut être abordé. Par ce subterfuge, Patten rappelle que la galerie n’est pas qu’un écrin pour les œuvres, mais que c’est également un lieu de construction du discours.