The Dating Portfolio

Du 18 août au 22 septembre 2007
Susan Bozic : The Dating Portfolio

Texte de Lyne Crevier

Le mélange d’artificialité et de fabrication est un thème central dans l’oeuvre de Susan Bozic, comme le montre l’un de ses derniers projets. Ainsi The Dating Portfolio s’ouvre sur des portraits où l’histoire de l’art n’est plus le propos comme dans sa série photographique, Incarnation, mettant en scène des oiseaux empaillés au milieu de natures mortes d’inspiration flamande. Incidemment, l’expression nature morte n’apparaît qu’en 1756, en France. Alors qu’un siècle plus tôt, aux Pays-Bas, l’expression still leven se traduit ainsi: still = immobile ; leven = nature, modèle naturel.

Or, à travers ces images en noir et blanc au style victorien, les animaux y semblent encore respirer, bien que leur attitude, empesée, soutient le contraire dans une atmosphère de film noir. Ici, rien de tout cela. Les immenses photographies en couleur de Bozic rappellent celles des magazines sur papier glacé. De ceux où la publicité, notamment, tient lieu de mode de vie.

Par conséquent, Dating Portfolio s’ajuste à l’air du temps. Celui plus spécialement des séries télévisées ou encore du film d’action aux personnages plus
grands que nature menant toujours la belle vie. Par conséquent, le tædium vitæ (dégoût de la vie) ne semble jamais les effleurer pour venir troubler leur
félicité.

Au sein de cet univers lisse, où pullulent les clichés, voici le couple idéal. Personnifiant l’homme rêvé, Carl, un mannequin, a été déniché en naviguant sur la toile. Sorte de prince charmant de l’ère numérique, que l’on épingle fissa, comme après une rencontre de speed dating. Avec assurance, à la clé, que l’élu ne se métamorphosera certes pas en crapaud…

Il restait à jeter les bases d’un conte merveilleux. Ainsi, peut-on suivre les allées et venues de Carl et de sa girlfriend (Susan Bozic l’incarne) soit au petit-déjeuner; en jet privé; en bateau; au cinéma, et ainsi de suite.
Cette vision idyllique n’est-elle pas prometteuse. Tout entière contenue dans ce que les médias cherchent à nous vendre: amour, succès, privilège, bonheur. Un carré d’as.

En outre, Susan Bosic donne l’image de celle qui maîtrise parfaitement la situation. L’homme choisi ne cède-t-il pas à tous ses caprices. En sachant se montrer attentif, généreux, prévenant, romantique, bref, parfait. Sauf qu’il y a un hic, il n’en reste pas moins un mannequin… en fibre de verre. Muet à jamais.
Dating Portfolio vient néanmoins appuyer la thèse de Jacques Lacan, selon laquelle le sujet ne se constitue que de l’extérieur, par le regard de l’autre, et représente en même temps une tentative de prendre en main cette situation précaire.

Ainsi donc les personnages sont-ils investis d’une forte charge psychologique tissée d’expériences intimes, de voyeurisme, de curiosité. Et, mine de rien, isolant, à travers des espaces iconiques clairement définis, une conception autrement plus complexe que celle, simpliste, d’images qui seraient prises telles quelles, sans se donner la peine de les décoder.