Let’s Get Lost

Du 31 octobre au 19 décembre 2020
Trevor Kiernander : Let’s Get Lost

Texte de Mylène Lachance Paquin

Pour élaborer le concept immersif de Let’s Get Lost, Trevor Kiernander s’est inspiré des particularités architecturales de la Galerie d’art d’Outremont où il a présenté Are We Here? (2019). Ici, l’artiste nous transporte dans un univers qu’il a entièrement investi en faisant sienne la salle d’exposition. Ingénieux, Kiernander a traité comme un tout ce lieu et le corpus d’œuvres qu’il a créé en intégrant des cloisons arrondies à l’espace, ce qui a eu pour effet d’en modifier l’angularité initiale. À l’image de la structure complexe d’une mélodie jazz, l’exposition est fondamentalement organique. A light. A globe over the horizon renforce ladite dimension organique puisque les formes, les figures et les traits qui y sont déployés se poursuivent à travers les neuf toiles qui la composent. Ceci produit l’effet de contempler une rythmique visuelle fluide et continue.

Bien que les relations entre les objets, les formes et l’espace demeurent au centre des préoccupations plastiques et esthétiques de Kiernander, Let’s Get Lost marque un changement de paradigme dans la pratique de l’artiste à travers sa thématique globale. En effet, si antérieurement les expositions de Kiernander abordaient principalement les thèmes de la maison, de l’environnement qui nous entoure et de l’espace dans lequel on se trouve, la présente exposition nous invite à quitter ce lieu. Loin de la rigidité dans laquelle nous vivons depuis des mois, la fuite proposée ici se reflète notamment à travers le choix qu’a fait l’artiste de peindre plusieurs œuvres sur toiles rondes. N’étant pas constitué de lignes droites qui se rencontrent en formant des angles, le cercle n’est pas soumis à un sens de contemplation prescrit communément comme l’est le carré et le rectangle. De ce fait, les réalisations d’œuvres circulaires ont été des lieux de création où la rotation des toiles et la force gravitationnelle sont entrées en relation fréquemment, alors que Kiernander les a fait pivoter en les peignant directement au mur.

Les couleurs que l’on retrouve dans Let’s Get Lost se situent dans une palette chromatique qui est en harmonie avec l’ensemble de la production de Kiernander depuis son retour de Londres. Celles-ci sont organisées de manière à créer deux univers chromatiques distincts. D’une part, certaines sont chaudes et enveloppantes. Elles captivent le regard qui circule en contemplant, entre autres, les jaunes dorés, les rouges très pigmentés et bleus vibrants. Alors qu’une aura flamboyante émane de ces œuvres, d’autres tableaux nous catapultent dans des zones d’ombre. C’est notamment le cas de Rakka, une toile surdimensionnée aux tons gris feutrés, denses et profonds. Ainsi, l’exposition nous amène à nous perdre dans une impression d’un géant clair-obscur.