Event Horizon: This Must be the Place

Du 3 septembre au 29 octobre 2016
Vernissage : Le samedi 3 septembre de 15 h à 17 h
Trevor Kiernander : Event Horizon: This Must be the Place
Art Mûr
Montréal (QC)

Texte de Stéphanie Locas

Les œuvres de Trevor Kiernander ont souvent questionné le rapport à l’espace. La perspective devient un concept moins rigide, quoique très présent dans le traitement du sujet. En utilisant la matérialité pour conceptualiser l’objet de l’œuvre, l’artiste crée ainsi une oscillation entre représentation et abstraction. Cette matérialité, elle commence par le néant; une toile brute, sans proclamation d’une couleur choisie. Elle s’articule autour de l’opposition de textures et du rapport entre le geste brusque et la forme construite avec précision. Le tout semble rappeler une architecture surréaliste, dont la logique s’inscrit dans l’interprétation de scènes abstraites photographiées ou tirées de souvenirs de l’artiste. Les compositions deviennent des déconstructions de l’espace, dont les éléments s’agencent pour une autre réalité. D’ailleurs, cette oscillation entre l’abstrait et le concret défie le spectateur en le forçant à remettre en question sa participation à l’œuvre, face à des surfaces bidimensionnelles dans leur forme, mais qui traitent de tridimensionnalité dans leur fond.

En effet, les tableaux de Kiernander vivent dans leur rapport au spectateur. Si ce dernier est habitué à regarder le monde comme quelque chose d’immuable et régit par des règles comme la perspective, il verra dans les œuvres de Kiernander un univers transitoire en mouvement. La recherche picturale de l’artiste évolue maintenant vers la description d’espaces actifs. Contrairement à ses œuvres antérieures où le sujet prenait place au milieu du tableau, les environnements explosent hors du champ pictural, ce dernier n’étant plus une entité à part entière, mais le fragment d’un univers beaucoup plus grand.

De plus, dans une réalité numérisée nourrie par des technologies qui rendent l’image omniprésente en ligne et dans les réseaux sociaux, l’artiste diversifie ses sources photographiques. Il considère l’espace virtuel comme un monde faisant partie intégrante de notre réalité, et l’engage dans le cadre de sa recherche picturale. Kiernander sort l’image de son contexte virtuel ou réel, combine les deux mondes en un seul univers, dont il semble fixer des extraits dans ses œuvres. Il s’approprie ainsi encore davantage l’environnement qui a marqué son travail antérieur.

L’unité et la continuité du travail de Kiernander est frappante. Bien que chaque œuvre soit unique, plusieurs d’entre elles sont travaillées en séquence, dans un élan créatif global. Chaque geste est donc isolé, mais aussi exécuté dans la continuité d’un autre. Le temps prend ainsi une dimension importante dans la construction des environnements de Kiernander. Bien que le rythme de production varie, les œuvres sont souvent créées juste avant l’exposition. Cette rapidité d’exécution permet de suivre, au rythme des tableaux, l’évolution picturale de l’artiste, jusque dans l’intimité du geste unique.