Knowns

Du 11 novembre au 18 décembre 2021
Vernissage : Le jeudi 11 novembre 2021 de 17 h à 19 h
Neil Harrison : Knowns

Texte de Marie-Pier Bocquet

L’œuvre de Neil Harrison se situe dans la lignée de l’abstraction géométrique, une approche de la peinture caractérisée par le travail de la forme joint à celui de la couleur afin d’investiguer ses potentialités comme pur médium plastique. Dans cette récente série, cette posture demeure manifeste bien qu’une réflexion sur la portée ou la signification de ces signes visuels est aussi en jeu. En particulier, l’artiste réfléchit à l’idée de la connaissance, comme le titre l’indique, et interroge l’importance des notions de limite ou de frontière (boundary) pour y accéder, ce qui rappelle d’emblée certaines investigations de l’art conceptuel intéressées par les mécanismes qui donnent accès aux idées.

Les œuvres, planifiées à l’avance par un système établi par l’artiste, sont composées de suites de formes colorées, sortes de petits triangles qui révèlent l’espace négatif entre des demi-cercles blancs. Leur positionnement dans la surface de l’image se heurte aux bords du cadre ou à ceux, prédéterminés, de rectangles ou de carrés qui divisent l’espace du tableau. En colorant ces zones, l’artiste rend visible les demi-cercles, autrement impossible à percevoir dans le blanc sur blanc de l’image. De même, c’est la couleur qui permet de comprendre les délimitations géométriques; il serait impossible de voir une ligne sans le pigment qui la trace. Ce processus de mise en évidence de la structure interne du tableau par la couleur et identifié par Harrison comme le mécanisme par lequel les choses (things) adviennent, elles qui ne peuvent exister sans les limites (boundaries) qui les révèlent. Les œuvres se veulent donc des explorations de la manière dont toute chose connue est dépendante de sa mise en contexte dans un système objectif qui la classifie et la définit. L’artiste réfère, par exemple, au tableau périodique des éléments dans un entretien avec Noah Gano de la Angell Gallery, une source d’inspiration qui tient peut-être de sa formation scientifique et de son intérêt, notamment, pour les mathématiques et la physique.

Au-delà de la beauté formelle des œuvres, attirantes dans leur simplicité graphique, la série Knows ramène à l’esprit la manière dont l’art conceptuel a utilisé les images bidimensionnelles pour interroger la perception ou la cognition, en bref les mécanismes qui informent la connaissance. En particulier, l’importance des limites dans la définition des choses appelle A Theory of Boundaries, œuvre iconique de Mel Bochner où la peinture occupe une place centrale. Dans cette œuvre réalisée in situ au Jewish Museum en 1970, le blanc du mur joue le même rôle que le blanc des tableaux d’Harrison en établissant la relation entre la surface colorée, l’arrière-plan et la délimitation entre les deux qui englobe et qui exclut. Plus de cinquante ans plus tard, l’exploration conjointe des langages plastiques et conceptuels donne ainsi toujours lieu à des œuvres qui aiguisent le regard autant que l’esprit.