Matérialisation du signifiant

14 janvier – 21 février 2009

Texte de Mélanie Rainville

Une démarche artistique complexe rassemble les tableaux présentés au sein de l’exposition « La matérialisation du signifiant » dont le titre, à lui seul, annonce quelques fondements. Comeau s’intéresse au sens par le biais d’éléments picturaux abstraits qui, de prime abord, n’existent que pour eux-mêmes. Elle observe la manière dont un élément à l’origine non-signifiant peut devenir, dans la perception d’un spectateur, un élément signifiant.

Les œuvres picturales de Magalie Comeau présentent des compositions rigoureuses qui sont structurées par des zones d’ombre ayant l’effet de créer de subtils tracés sur des monochromes blanc-gris. Cette division de la surface de la toile est appuyée sur une architecture abstraite qui morcelle l’espace de la représentation et lui ajoute une troisième dimension. Les interventions de l’artiste sont soigneusement localisées au sein des tableaux, et elles convergent immanquablement vers des éléments représentatifs singuliers qui suggèrent tantôt des formes organiques, tantôt des formes non-figuratives.

Les structures architecturales, qui semblent surgir du néant, sont organisées selon une logique de l’espace implacable; leur construction est calculée et cohérente. Face à celles-ci, le spectateur est tenté de comprendre de quelle manière elles sont structurées mais, bien qu’il puisse les investir de sa curiosité et se déplacer dans l’espace pour capter le meilleur point de vue pour les examiner, leur compréhension requiert un effort de construction; le spectateur a le rôle de leur attribuer un sens. La perception du spectateur est également éprouvée par ces masses qui, emprisonnées dans les réseaux de lignes, interrogent les limites du signifiant et du non-signifiant par leur statut ambigu. Les œuvres picturales de l’artiste se présentent ainsi comme de petites expériences visuelles pouvant démontrer la capacité de l’être humain à donner un sens à ce qui se trouve devant lui, même lorsque l’objet qui retient son attention en est dénué à l’origine.

En s’engageant dans les espaces créés par l’artiste, l’œil du spectateur est stimulé par la pulsion scopique alors que l’irrésistible désir de voir ce qui se cache à l’intérieur des structures tridimensionnelles doit céder la place à l’imagination. Le spectateur doit se contenter de regarder les œuvres à une distance intime pour pénétrer leurs représentations et ainsi tenter de donner un sens à ces formes qui lui sont étrangères. En ce sens, les créations de Magalie Comeau possèdent cette noble capacité qu’ont les œuvres d’art de nous permettre d’expérimenter et d’examiner nos propres habiletés perceptives durant leur lecture.