Différences évanouissantes

Du 3 septembre au 29 octobre 2016
Vernissage : Le samedi 3 septembre de 15 h à 17 h
Magalie Comeau : Différences évanouissantes
Art Mûr
Montréal (QC)

Texte de Marie-Hélène Constant

Série de peintures et de dessins présentée dans un espace plus intime que celui de l’exposition précédente, Différences évanouissantes s’inscrit dans la continuité des éléments qui animent le travail de Magalie Comeau, qu’il s’agisse des rapports du corps à l’espace, de l’élaboration de perspectives vertigineuses ou de variations sur le pli. Données à voir en tant qu’ensemble pour la spectatrice et le spectateur, les œuvres mettent en tension le visible et le caché, notamment par l’utilisation de couleurs sombres et de contrastes, et par la représentation de structures géométriques rappelant les pièces d’une maquette d’habitation que l’on aurait juxtaposées en tout sens. Rien n’est cependant que blanc ou noir chez Comeau : au contraire, le fin travail des nuances et des ombres, ainsi que la palette de couleurs rappelant la nuit – blanc et noir, mais aussi les teintes plus chaudes de pourpre et de jaune – ajoutent une complexité hybride à l’univers pictural.

Parfois délicats îlots rugueux sur fond monochrome, fortes raies claires ou constructions géométriques d’où semble jaillir la lumière, chaque élément des tableaux et des dessins est structuré en résonance avec ce qui l’entoure, à la manière d’une construction patiente et ordonnée. Des motifs sont également repris d’une pièce à une autre, en différentes tailles et selon différents angles, invitant le public à un jeu de perspectives. Si ces espaces quasi figuratifs ne semblent pas habités, les traces des corps y sont souvent rappelées : les chaises sont renversées, les fenêtres sont éclairées. De la même façon, du pli demeure la mémoire du geste comme si, une fois représenté dans le tableau, il en allait d’un prolongement des traces humaines, d’un prolongement des possibles, comme le sont ces grandes raies lumineuses qui parcourent les œuvres.

Le tableau Prendre place dans le point jette un éclairage tout particulier sur les questions qui sous-tendent l’exposition. Sur une toile blanche, au coin supérieur droit, l’on retrouve une formation angulaire organisée autour d’un cercle perlé et déclinée selon différents faisceaux d’ombres et de lignes – il s’agit de la même structure que dans Petits triangles à l’intention de proportions distinguées –, alors que le coin inférieur gauche est habité de formes plus organiques, de plis et de détails finement arrangés. Entre eux, l’espace blanc semble poursuivre l’espace du mur de la galerie, plus qu’il ne sépare les deux éléments. La seconde composante vient cependant brouiller les frontières entre le minéral et le vivant : il n’existe ainsi aucune distinction franche, l’indécidabilité demeure lorsque les cristaux et les lignes tirées disparaissent peu à peu dans une sorte de dentelle, de moisissure, de structure fractale. Les questions du point de vue et de la porosité – des traits, des médiums, des espaces – prennent alors un sens singulier. À partir de cet ébranlement de la nature des formes qui, à première vue, semble claire, les Différences évanouissantes déjouent l’œil, investissent l’entre-deux : s’il y a disparition des limites, il faut regarder entre le grand et le petit, le visible et le caché, le vivant et le minéral, l’obscurité et la lumière, entre les ombres des lieux et des choses.