Empreintes extrinsèques

Du 5 novembre au 17 décembre 2022.
Vernissage : Samedi 5 novembre 2022 de 15 h à 17 h.
Laurent Lamarche : Empreintes extrinsèques

Fondre les fictions
Par Marie-Hélène Durocher

Expérimentations plastiques aux penchants scientifiques, les recherches de Laurent Lamarche visent à mettre en relief notre rapport aux nouvelles technologies et au monde naturel. Reprenant une imagerie liée aux sciences naturelles, l’artiste multidisciplinaire élude les certitudes promises par une vérité objective au profit d’élaborations fictives. Se faisant, il fait dresser d’un univers familier le curieux et l’irrésolu, donnant forme à un « laboratoire » qui soulève plus de questions qu’il n’en cherche les réponses.

Par ses projets les plus récents, Laurent Lamarche mène une exploration de la cire comme matière porteuse, investiguée pour sa charge indicielle. Avec la série FUSE, et dans un intérêt pour les phénomènes naturels qui relèvent davantage de l’ordinaire que du spectaculaire, l’artiste documente les traces laissées sur la matière. Plongée dans un bassin d’eau froide, la cire chaude se laisse peu modeler, sa solidification étant instantanée. Sa forme imprévisible, le matériau est guidé par les mouvements et les textures de l’eau, se faisant témoin de ceux-ci. Les changements d’état de la matière deviennent occasions créatrices et révélatrices de subtilités universelles. Coulé en aluminium, l’objet aux contours organiques se fait mémoire des dynamiques aqueuses qui ont signé sa surface. Détournant la technique traditionnelle de la cire perdue, le métal ne se veut plus gage de l’invisibilisation de la cire, mais de sa fixation, revalorisant sa malléabilité et traduisant son potentiel de transformation.

Travaillant aussi la cire à partir de son état solide, l’artiste emploie la chaleur afin de la graver, outillé d’instruments conçus sur mesure. Pour Fragment, il creuse l’objet de motifs géométriques abstraits, conférant à sa facture minérale des impressions mécaniques. Son geste s’inscrit dans une réflexion déployée depuis 2013 autour de l’origine, de la fossilisation, de la trace. Par l’ajout de patine sur la pièce finalement coulée en aluminium, Laurent Lamarche fait surgir un imaginaire futuriste, lui accordant une ambiguïté temporelle. Sortes d’artefacts fictifs, ses œuvres mêlent l’histoire naturelle à la science-fiction, mobilisant au passage des réflexions quant à notre relation au monde dans cette ère technologique. Comment renouer avec la puissance incoercible de la nature à partir d’une quête vers le calculable? Comment se projeter vers l’avenir quand les angoisses collectives lui dessinent des contours dystopiques?

C’est entre autres par ce jeu entre le connu, qu’il documente de façon singulière, et le factice, qu’il façonne à partir de codes reconnaissables, que Laurent Lamarche ouvre un espace de réflexion quant aux fondements philosophiques de la pratique scientifique actuelle. Il creuse la cire, grave le plexiglass, gratte le métal, de manière à rendre trouble la frontière entre l’artificiel et le biologique. Éveillant nos soupçons et trompant nos attentes, ses objets qui miment et réinventent le vivant cherchent à redonner place à l’inexpliqué.