Vernissage : Le samedi 16 janvier de 15h00 à 17h00
Judith Berry : Excursion
Texte de Vincent Marquis
Peu après mon arrivée au studio de Judith Berry, entouré des œuvres qui composent maintenant l’exposition Excursion, le récit des déplacements de l’artiste d’un bout à l’autre du Canada monopolise toute mon attention. Née à London et élevée à Saskatoon, Berry déménage à Halifax vers l’âge de vingt ans pour étudier au Nova Scotia College of Art and Design, avant de passer un an dans les Rocheuses au Banff Centre. Cette expérience de mouvement, de passage, de voyage, m’explique-t-elle, imprègne naturellement sa démarche artistique, mais caractérise aussi la logique derrière la présente exposition.
Le mot « excursion » est aussi commun en anglais qu’en français, note Berry. En anglais, il peut référer à la fois à un court et agréable voyage, au déplacement d’un objet le long d’un chemin, ou encore à une déviation du cours régulier des choses. En français, le mot peut aussi signifier une irruption guerrière en territoire ennemi, le mouvement d’une chose hors de sa position de repos, ou même une digression. Si le terme compte autant de définitions, cette diversité se reflète tout autant dans la profondeur du corpus exposé et ses multiples facettes.
Les œuvres de Berry sont d’abord des excursions dans les espaces extérieurs qui l’inspirent. « Mes tableaux sont avant tout des paysages », affirme l’artiste. Que ce soit dans ses triptyques ou ses toiles seules, dans Wreckage (2013), Insomnia (2014) ou Some Thoughts (2015), elle évoque subtilement les motifs végétaux et organiques qui composent notre environnement. Dans l’œuvre Saskatchewan, par exemple, ces thèmes sont rendus abstraits au point où ils rappellent l’univers magique du surréalisme, avec ses formes géométriques flottantes et son absence de référents clairs. Mais rapidement, la palette terreuse de la toile et les blocs sinueux répétitifs qui la composent renvoient aux paysages striés des Prairies canadiennes. D’une certaine manière, l’œuvre de Berry est donc une invitation poétique à explorer le passé de l’artiste elle-même.
Si les œuvres présentées dans Excursion sont certes des paysages, Berry souligne qu’elles « ne se dressent pas souvent d’herbes, d’arbres, ou d’eau ». Ces paysages, en un sens, n’en sont pas vraiment, si on s’attend d’eux qu’ils soient fixes ou purement figuratifs. « Le sol est un élément peu fiable pris dans l’effervescence de son auto-transformation », affirme l’artiste. Autrement dit, l’impression de mouvement qui se dégage de l’œuvre défie le poids et la solidité apparente des objets représentés. En ce sens, le terme « excursion » caractérise aussi bien l’expérience qu’en fait le spectateur. L’incertitude de l’échelle, l’oscillation entre figuration et abstraction, la texture qui construit et déconstruit tour à tour l’image : toutes sont des stratégies employées par Berry afin d’encourager le spectateur à interroger l’image à laquelle il fait face. Au bout du compte, l’excursion n’est alors pas seulement celle dans le paysage et le souvenir ; c’en est aussi une à travers la nature même de la représentation.