Duped / Duplicata

Texte d’Eloi Desjardins

D’emblée, parler de la peinture en art actuel comporte ses défis. Conventionnellement, le médium pictural semble ne pas pouvoir échapper à sa longue tradition historique; à cet effet, la littérature, les comparaisons et les anecdotes abondent. En peinture figurative, l’analyse du sujet représenté est aussi vastement documentée; l’iconographie fait figure de proue dans ce domaine. Autrement, l’approche formaliste pour parler de la composition d’un tableau, surtout mise de l’avant par les théoriciens modernistes, est particulièrement présente lorsque l’on traite d’abstraction.

Outre ce préambule méthodologique, cette introduction semble importante pour parler de la production de Judith Berry. Celle-ci réalise depuis quelques années des tableaux rectangulaires et horizontaux qu’elle nomme paysages. Elle y accumule des formes géométriques «réalistes» et des éléments plus « abstraits ». « Ce qui m’intéresse, c’est répéter ces motifs pour créer des trames ou mosaïques » confie l’artiste lors d’une visite d’atelier. Les recherches picturales de cette dernière sont dirigées par ce phénomène optique « où chacun des éléments isolés perd leurs singularités pour devenir un ensemble plus ou moins hétérogène ». Un véritable va et vient entre l’observation de détails et l’appréhension globale de la composition.

La répétition, chez Berry, lui vient d’un désir d’imiter, d’une certaine façon, les processus industriels. Toutefois, face à cette utopie résident les limites de l’exécution manuelle. Ces « défaillances » de la main offrent à l’artiste beaucoup de latitude pour résoudre ces problèmes de compositions; un enjeu fondamental du médium pictural. De plus, cette friction, entre artisanat et usiné, offre à l’œil, devant ses tableaux, un réel plaisir à se faire tromper. Cette expérience s’approche de celle du cinéma avec son fameux « faire comme si » [suspension of disbelief].

Somme toute et pour revenir à l’introduction, très peu de descriptions ou d’analyse formelle ont été offertes dans ce texte sur la production récente de Berry. Outre le souhait de ne pas tomber dans la rédaction d’une description très minutieuse des tableaux; une leçon d’histoire de l’art – sur la longue et prestigieuse tradition de la peinture et comment celle-ci dialogue avec les œuvres récentes de Berry – aurait été ronflante. Un discours, quasi ésotérique, sur la composition aurait pu aussi avoir lieu. J‘ai cependant préféré « laisser parler les images ». Le visiteur patient saura apprécier l’expérience riche et convolutée de la peinture de Berry; les limites de l’écriture n’ajoutant que de l’éditorial.