Cry Babies

Du 7 mars au 25 avril 2015
Vernissage : Le samedi 7 mars de 15h00 à 17h00
Jonathan Hobin : Cry Babies

« Viewer discretion is advised » : Cry Babies et le mythe de l’enfance innocente
Texte de Vincent Marquis

« The following program includes graphic images and mature subject matter intended for adult audiences. Viewer discretion is advised » .

L’avertissement de Global News est clair : la plus récente œuvre photographique de l’artiste canadien Jonathan Hobin risque de choquer, de déranger, d’offusquer. On ne saurait affirmer le contraire : Cry Babies est, en quelque sorte, une suite intensifiée à la série In The Playroom (2010) qui avait suscité bon nombre de débats au sujet des manières acceptables de représenter l’enfant dans les médias.

Pour Hobin, Cry Babies est le fruit d’une réflexion au sujet de l’enfant comme symbole sacré de pureté et d’innocence. La culture populaire occidentale abonde effectivement d’exemples en ce qui a trait à la représentation idéalisée de l’enfance – on a qu’à penser aux images de Norman Rockwell, à Dick et Jane, ou aux innombrables publicités dans lesquelles des enfants sont montrés comme des êtres séraphiques . Contempler les photographies de Hobin, dont la forme ovale rappelle celle des portraits que l’on protège dans des médaillons, c’est désacraliser l’image de l’enfant et comprendre qu’il vit dans un monde aussi sombre que le nôtre.

Par exemple, l’un des diptyques aborde les pressions sociales entourant l’identité de genre en présentant, d’une part, une jeune fille tenant une poupée dont elle a sauvagement coupé les cheveux et, d’autre part, un scout au visage barbouillé de rouge à lèvres et de larmes. « You’re crying because some people don’t think you should wear makeup » , lui explique Hobin. Un autre aborde l’impact des conflits armés en montrant un enfant soldat portant machette et munitions aux côtés d’une jeune kamikaze dévoilant la ceinture d’explosifs qui lui est attachée.

Dans chacun des seize portraits, Hobin présente ses modèles comme étant à la fois impliqués et affectés par des problématiques que l’on considère trop souvent comme exclusivement « adultes ». En ce sens, nous dit l’artiste, Cry Babies incarne « l’inévitable et tendue cohabitation des anxiétés personnelles de l’enfant et des représentations idéalisées de ce dernier » . La déconstruction de cette idéalisation va toutefois plus loin. Selon l’artiste, reconnaître cette tristesse ou ce tracas de l’enfant revient à déstabiliser l’illusion de statut familial et de gloire patriarcale soutenue par le mythe de l’innocence. Comme quoi, lorsqu’on leur en donne la chance, la vérité sort de la bouche des enfants.

 

1.« 16×9 – FULL STORY: Artist Provocateur », Global News, accessed January 20, https://www.youtube.com/watch?v=2pMQZMhuJfk.
2. Kristen Drotner, « The co-construction of media and childhood », dans The Routledge International Handbook of Children, Adolescents and Media, éd. Dafna Lemish (Londres et New York : Routledge, 2013), 16.
3. « 16×9 – FULL STORY: Artist Provocateur », Global News.
4. Jonathan Hobin, conversation avec l’artiste, 30 janvier 2014.

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