Confession by / just that, even

Du 11 septembre au 25 octobre 2014
Jinny Yu : Confession by / just that, even
Deux expositions parallèles

Texte de Julie Alary Lavallée

À l’aide d’une approche conceptuelle, la pratique de Jinny Yu s’articule autour de la question « qu’est-ce que la peinture aujourd’hui ? » et s’engage tant dans la réalisation d’une peinture dite traditionnelle que sous la forme installative et vidéographique. Ancré depuis quelques années dans un horizon abstrait, son travail porte une attention particulière au geste de peindre, comme s’il s’agissait d’une allégorie autobiographique. Grâce à l’intégration de recherches et d’observations liées aux comportements chimiques et physiques – particulièrement précaires – entre matériaux et supports, Yu rend compte par ses œuvres de la fragilité de son existence et par le fait même de celle de l’humanité.

Sans adhérer à la doctrine moderniste autoréflexive du médium, ses œuvres d’échelle variable et de nature symbolique contestent l’essence même de la peinture et affirment leur relation indissociable avec le milieu où elles se trouvent. Souvent utilisés comme réceptacles de ses gestes et de l’interférence de la lumière, l’aluminium et le miroir agissent comme support et surface qu’elle brise, raye ou plie. Limité normalement au noir, et parfois bonifié par le rouge, son usage strict et judicieux de la couleur a quant à lui pour fonction de centraliser le regard sur le geste afin d’affirmer l’acte de peindre. Après tout, cette action ne résulte-t-elle pas d’un faire, de gestes, qui inscrit le corps ou l’énergie corporelle de l’artiste, physique autant que mentale, sur la surface?

L’historien de l’art Paul Ardenne décrit deux tendances de l’abstraction picturale retrouvées dans sa pratique : « l’abstraction froide », articulée à travers le souci d’organisation spatiale et de structure géométrique, et « l’abstraction chaude », resserrée autour d’un refus de contrôle et d’ordre . Aux antipodes de la stérilité de l’application parfaite, quoique certaines de ses œuvres s’avèrent parfois ordonnées en fonction d’un alignement exemplaire, la surface de ses « objets-peinture » est fréquemment ponctuée d’une application de pigments hasardeuse qui amorce un dialogue avec les limites du cadre entendu traditionnellement dans l’histoire de la peinture. Conjuguant dans un même lieu d’exposition des œuvres conçues à partir de manipulations diverses, Yu exige du regardeur une réceptivité redoublée afin d’appréhender l’amplitude des relations spatiales, symboliques et métaphoriques créées dans l’objectif d’être vues, mais aussi vécues.

1. ARDENNE, Paul (2010). « La peinture au risque de sa reconfiguration permanente », dans Barbara Polla et Paul Ardenne, Peintures. Please, Pay Attention Please, avec Barbara Polla, Lormont : Éditions La Muette, p. 121-151.