Hôte

Du 31 octobre au 19 décembre 2020
Jinny Yu : Hôte
Dans le cadre de l’événement Pictura Montréal

Texte de Laurence Charlebois

Jinny Yu est une artiste canadienne originaire de Séoul en Corée du Sud. Reconnue pour ses peintures abordant les thèmes du territoire, de la diaspora et les concepts politiques qui s’y rattachent, Yu expose ses oeuvres à l’international, notamment à la 56e Biennale de Venise. Ainsi, les toiles de Yu offrent des autoportraits relatant de son expérience face au colonialisme en territoire canadien. Pour son exposition intitulée Hôte, l’artiste s’intéresse aux complexités reliées à la géopolitique occidentale à travers son expérience en tant qu’immigrante-colon. Toutefois, Yu dévie de sa traditionnelle peinture et nous surprend avec de nouvelles oeuvres entièrement réalisées au crayon à mine de graphite.

Le titre de l’exposition représente l’ambiguïté du mot Hôte tel que nous le connaissons en français. C’est-à-dire que la définition du nom « hôte » peut à la fois désigner un invité, ou bien une personne octroyant de l’hospitalité envers ses convives. Dans le contexte de la pratique artistique de Yu, l’artiste fait référence à sa propre expérience en tant qu’immigrante-colon vivant et travaillant sur des territoires autochtones. De plus, les questionnements de l’artiste l’ont amenée à se pencher sur la question d’appartenance. Est-il possible pour les invités de développer un sentiment d’appartenance à un territoire auquel ceux-ci en seront toujours invités? Sont-ils en mesure d’offrir de l’hospitalité envers leur hôte ? Par l’ambivalence du titre de l’exposition, Yu propose que la dichotomie se retrouvant dans les diverses définitions du mot « hôte » ne sera jamais réconciliée.

À partir de ces questions, le processus créatif de Yu s’est étendu lors d’une période de quarantaine au retour d’une résidence d’artiste à l’étranger. Ainsi, les oeuvres de Yu ont agi à titre d’exercice quotidien lors d’un moment d’incertitude mondial. Fidèle à sa pratique, l’artiste utilise le noir de son crayon, mais y ajoute également du blanc. Le mélange de gris, créé par les deux tons de Yu, souligne l’interchangeabilité des rôles du convive et de l’hôte. De surcroît, ce sentiment est réitéré par l’absence de bordure dans l’image. Non seulement le dessin prend une affinité d’objet, mais il permet également de semer l’illusion de séparation entre les deux couleurs. Ici l’exposition sert de passage : c’est-à-dire qu’au-delà de la séparation entre l’hôte et le convive, l’espace qui sépare les rôles du convive et de l’hôte est trouble, tout comme la catégorisation de l’hôte et de l’invité. Ni noirs, ni blancs, ces tons monochromes représentent l’aspect interchangeable de la question.