Counterpoint

Du 7 novembre au 19 décembre 2015
Vernissage : Le samedi 7 novembre de 15h00 à 17h00
Ingrid Bachmann : Counterpoint

Texte de Nicolas Rivard

Entre correspondances matérielles et agencements cinétiques, les installations d’Ingrid Bachmann génèrent des environnements dans lesquels le spectateur éprouvera des expériences de proximité singulière. En opposant des techniques traditionnelles à celles des nouveaux médias, Bachmann explore les relations possibles entre l’œuvre et le public afin d’intégrer de nouveaux paramètres qui amènent le spectateur à traduire les liens entre la matière de l’œuvre et la réalité qu’elle projette.

L’ensemble des trois installations ici composé et intitulé « Counterpoint » suggère des environnements cinétiques, sonores et poétiques se rapportant à un processus de superposition des éléments composites qui intègrent la présence même du spectateur au mouvement et à la sonorité des œuvres. Celui-ci doit composer avec les différentes pièces, en faire partie, les activer et traduire sa présence en modulant ses implications au fil de ses affectations sensibles.

Avec Pelt (Bestiary), Ingrid Bachmann poursuit sa démarche d’enracinement de l’expérience numérique dans le monde matériel en présentant six pièces dont la matière synthétique suggère la présence onirique de bêtes à fourrure. Certaines répondent à la présence du spectateur en s’activant d’un souffle langoureux ou de soubresauts électriques, d’autres initient un ronronnement vibratoire de leur propre concert. Superposant l’inertie des formes minimales au mouvement programmé de la technologie numérique, Pelt (Bestiary) s’accompagne de portraits qui témoignent de l’empreinte probable de ces bêtes dans une réalité tangible.

Par ailleurs, dans Symphony for 54 shoes (Distant Echoes), des composantes mécaniques et ostensibles immergent le spectateur dans une chorégraphie chaotique où l’irrégularité des claquements contrevient à la régularité de la disposition des chaussures. Ainsi, 26 paires de souliers de seconde main sont disposées de manière linéaire sur des tiges de métal reliées à de petits blocs métalliques dont le mécanisme, contrôlé par circuits électroniques, déclenche une cacophonie de cliquetis saccadés. L’absence volontaire de la dernière paire de souliers suggère alors la présence du spectateur dans le vacarme visiblement anthropocentrique de cette danse machiniste. Elle propose discrètement un sens à notre présence tout en conduisant l’intrigue de cette absence vers une tragédie présumée, un échappé qui nous appartient de définir. Par la mécanisation séquentielle d’un matériau du commun, symbole spécifique d’une humanité axée vers son industrialisation, Ingrid Bachmann traduit ici l’individualisme de l’homme à travers la connectivité des réseaux anthropiques présents et à venir.

Enfin, suggérant d’emblée une interprétation plausible de l’œuvre de par son titre, Portable Sublime consiste en huit valises disposées sur des meubles domestiques concoctant en leur antre des récits personnels agencés en constructions panoptiques, laissant entrevoir l’espace d’un passé réel. Ces petites thèses de nostalgie sont des incubateurs d’expériences sensibles qui, activées par l’intention du spectateur, cristallise un rêve, un souvenir dans la lucidité d’une découverte sélective. Chacune d’entre elles ouvre vers des perspectives d’une intimité subjective qui s’enrobe d’une mémoire autrement onirique.

Les œuvres d’Ingrid Bachmann superposent des couches de sens à partir de relations matérielles dont les antagonismes qui en sont issus vérifient notre capacité à compléter le processus d’agencement des formes et de l’entendement.