Night Shift

Du 3 septembre au 29 octobre 2016
Vernissage : Le samedi 3 septembre de 15 h à 17 h
Guillaume Lachapelle : Night Shift
Art Mûr
Montréal (QC)

Texte d’Isabelle Lynch

« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » écrit Blaise Pascal. Écrite à la première personne, cette phrase des Pensées situe le lecteur comme seul point de repère dans un univers infini et éternel. Les œuvres de l’artiste montréalais Guillaume Lachapelle donnent le vertige. Elles positionnent le spectateur dans des univers sans fin, des mondes sans horizon, et des lieux qui se déploient à l’infini. L’artiste crée des univers miniatures qui rappellent des espaces urbains inquiétants tels que des stationnements vides, des lieux indéfinis et de longs corridors. À la fois familiers et étranges, ces environnements évoquent le cliché éculé des films d’horreur : des corridors interminables et des espaces sans fin dont nous ne pouvons échapper.

Évoquant des maquettes de théâtre ou d’architecture, les œuvres de Lachapelle sont des modèles précis de lieux urbains, d’espaces fantastiques, ou de bibliothèques schématiques. Bien que les univers créés par l’artiste semblent contenus dans des boîtiers sous verre, en s’approchant des œuvres, nous réalisons qu’elles contiennent des espaces infinis.

Grâce à un jeu de lumière et de surfaces réfléchissantes, les scènes miniatures de Lachapelle se développent silencieusement vers l’infini. L’immensité de ces lieux ordinaires qui se multiplient sous nos yeux crée une sensation de vertige. En scrutant un lampadaire dont l’image est reflétée indéfiniment, notre regard s’avance vers la frontière du perceptible et de l’imperceptible. Les univers urbains de Lachapelle, ces espaces qui nous entourent de toutes parts, se fondent dans la noirceur effrayante du vide. Lachapelle nous invite à confronter la mer des ténèbres, là où nous pouvons appréhender les limites de la perception humaine. C’est en plongeant dans les silences éternels et les espaces infinis que nous réalisons que notre corps est un centre qui conditionne l’image de l’univers. Le jeu de perspectives que propose Lachapelle brouille les limites entre l’espace réel et l’espace virtuel. En jouant avec notre conception de l’espace, l’artiste nous amène à prendre conscience du fait que l’imagination nous permet de voir ce qui est au-delà de la réalité perçue.

Des lumières colorées éveillent les univers de Lachapelle. Sous un jeu de son et de lumière, les centres urbains abandonnés se transforment en lieux de fête à la fois ludiques et fantastiques. Une fumée envahit l’espace et crée une ambiance qui rappelle les lieux industriels urbains transformés en discothèques grâce à un simple changement d’éclairage. C’est bien dans ces lieux de plaisir et de divertissement que nous nous perdons dans l’infinité du temps et de l’espace, que nous nous lançons dans le vide. Nous ressentons déjà mieux la condition de l’être humain perdu dans l’infini.