Extrapolations

Du 6 mai au 17 juin 2023
Vernissage : Le samedi 6 mai 2023 de 15 h à 17 h
Guillaume Lachapelle : Extrapolations

Texte de Julia Caron Guillemette

Depuis maintenant plusieurs années, la pratique de Guillaume Lachapelle se reconnaît à ses sculptures miniatures réalisées par impression 3D. Dans le cadre d’Extrapolations, il ajoute à cette démarche l’utilisation de la photogrammétrie. Cette technique a pour particularité de rassembler plusieurs photographies d’un même sujet, prises dans des angles différents, afin de former un modèle 3D. Ainsi, non seulement l’artiste intègre à ses œuvres des images de ses proches pour la première fois, mais il donne à ses personnages des visages identifiables, plus « humains » que jamais.

Bien que certaines figures offrent à voir un réalisme déstabilisant, Lachapelle n’a pas cherché à atteindre une image naturaliste pour chacune de ses sculptures. Dans l’exploration du médium numérique qu’on lui connaît, il s’est aussi attardé à certains « glitchs » du programme. Le spectateur peut ainsi remarquer des corps et des visages fragmentés, de même que des figures dépecées. Pour ces dernières, l’artiste a volontairement suscité des formes erronées, créant une abstraction visuelle à partir d’images figuratives.

En se penchant sur les diverses miniatures composant l’exposition, on remarque que les personnages y interagissent la plupart du temps avec des machines; une femme allaite une thermopompe tandis que plus loin, d’autres s’agrippent aux tuyaux d’un radiateur, comme pour en boire l’élixir. Non sans rappeler un ensemble de films de science-fiction, ces figures se déploient dans une relation de proximité avec la machine, devenant elles-mêmes cybernétiques. L’organique se mute ainsi, fusionnant avec un ensemble d’appareils. Une inquiétude s’installe, tandis que les œuvres invitent à l’introspection. Ne sommes-nous pas de plus en plus dépendants des outils, électroniques ou mécaniques, qui nous entourent? N’est-ce pas, d’une certaine manière, une forme de mutation?

Ces réflexions s’approfondissent à l’approche des zootropes qu’on connait bien à Lachapelle. À la vue de robots courant sans jamais avancer, se dédoublant plutôt pour être aspirés vers l’arrière, difficile de ne pas se demander : mais où allons-nous? Dans cette course effrénée à la production et à la croissance, avançons-nous réellement comme société?

Malgré l’angoisse intrinsèque à ces questionnements, une poésie se dégage tout de même des œuvres. Quelque chose de l’interaction entre les personnages et les appareils, entre l’organique et la machine, suggère la douceur. L’habile mélange entre familier et étrange place le spectateur dans une posture où l’inquiétude s’accompagne d’émerveillement. Alors, nous pouvons questionner notre capacité à percevoir la beauté. Tout comme le personnage accolé au carrousel, dont la tête émerge du plafond, peut-être avons-nous simplement de la difficulté à voir la magie qui se déploie à côté de nous?