Transfiguration

Du 11 janvier au 29 février 2020
Vernissage : Le samedi 11 janvier 2019 de 15 h à 17 h
Greg Payce : Transfiguration
Art Mûr Montréal

Texte d’Anaïs Castro

Le sol est une machine à voyager dans le temps. Couches sur couches de sédiments enregistrent le passage du temps comme les cercles concentriques d’un arbre. Greg Payce part de cette prémisse d’une conscience multiple dans la production de son travail qui découle d’un intérêt pour l’humanité, d’abord et avant tout. Son engagement avec la céramique au cours des quatre dernières décennies témoigne d’une profonde compréhension des possibilités physiques de la céramique et de son potentiel conceptuel inhérent. L’histoire de la céramique est parallèle à celle de l’humanité. Depuis des siècles, l’homme façonne la terre pour en faire des objets fonctionnels ou esthétique. Et si ce matériau devient cassable après sa cuisson, c’est tout de même les fragments d’objets en céramique trouvés dans divers sites archéologiques qui racontent l’histoire des civilisations avant la nôtre. Payce est conscient de l’importance historique de son matériel de prédilection. En créant des profils de visages ou corps humains dans l’espace négatif entre ses vases, il force le spectateur à regarder au-delà du visible afin de révéler la beauté qui se trouve entre les choses. Les expériences humaines les plus fondamentales sont rarement tangibles : le désir, la croissance, l’amour, l’imagination, etc.

Il y a plus de dix ans, Payce a commencé à utiliser l’impression lenticulaire et la vidéo pour introduire le mouvement à son travail. Ce nouveau développement est le signe d’un artiste qui ne cesse de se remettre en question et qui continue de pousser plus loin sa recherche artistique. En raison de la prédominance de la céramique à travers le temps et les cultures, les références de Payce sont multiples et géographiquement variées. C’est particulièrement le cas dans sa série The Customs and the Spirit of the Nations (les mœurs et l’esprit des nations, en français), une série d’impressions lenticulaires dont le titre est tiré d’après un essai influent de Voltaire. Payce présente ici une forme humaine générique devant une sélection d’objets en céramique culturellement spécifiques. Dans d’autres œuvres, il évoque les premiers exemples de commerce international entre l’Orient et l’Occident et fait référence à certaines des traditions les plus influentes de la céramique, de l’Albarello italienne aux garnitures de Sèvres prérévolutionnaires et aux figurines de Meißen, confirmant au passage le développement ininterrompu de la céramique à travers l’histoire. Cela représente un nouveau changement dans le développement de la pratique de l’artiste. Il explore comment la culture et les idées philosophiques se matérialisent formellement.

Il y a quelque chose de métaphysique dans la création d’une forme corporelle anonyme qui indique un type d’unité avec la nature qui est acquise par une prise de conscience au travers de la matière. En ce sens, le travail de l’artiste est profondément spirituel. Le meilleur exemple est l’œuvre intitulée Adam et Ève qui s’inspire de l’histoire de la genèse judéo-chrétienne. Le travail de Greg Payce ne cherche pas à expliquer quoi que ce soit en particulier, mais s’intéresse plutôt aux possibilités et au potentiel associés à la transformation de son matériau de prédilection, la terre, en un puissant outil de transmission. Le travail de Payce oscille entre le désir de dissimuler et celui de révéler. Il se déplace entre l’intérieur et l’extérieur, entre les espaces négatifs et positifs tout en pointant simultanément aux manifestations naturelles et à l’intervention humaine, à la vie et à la mort, au passé et au présent.