Ginette Legaré : Alambics

Du 15 janvier au 26 février 2022
Ginette Legaré : Alambics

Texte de Mylène Lachance-Paquin

Le travail de Ginette Legaré ouvre un interstice temporel suggérant de se poser pour capter, observer et interpréter la polysémie sous-jacente aux objets du quotidien.

Par sa pratique d’assemblage, elle met au second plan l’aspect usuel des objets. Legaré nous amène à les appréhender d’une manière renouvelée rendue perceptible grâce à un processus qui se déroule en plusieurs phases marquées par le lieu et le moment de création des œuvres. 

D’abord, Legaré récupère des objets mis aux rebuts; puisqu’arrivés au terme de leur vie utile. Puis, l’artiste prend le temps de les réapprivoiser, comme le ferait un enfant curieux qui ouvre l’armoire de la cuisine ou du matériel de couture de sa mère. En étudiant ces objets, Ginette Legaré les détache inéluctablement de leurs contextes initiaux de réception et place son regard attentif sur la matière composant ces objets ainsi que sur leurs propriétés tangibles. Alors, elle en dégage toute la richesse et la finesse du tracé de leurs formes dans l’espace.

Puis, Legaré entame l’élaboration des configurations de ses sculptures dont l’unicité fait écho à leur préciosité nouvelle. En effet, son méticuleux travail d’assemblage fait place à la réalisation d’objets à l’image des alambics; ces dispositifs qui ont peu de valeur initiale, mais qui rendent possible la création d’alcool ou de substances chimiques prisées.

En jouant sur la dualité entre l’utilité passée des objets et leurs appellations initiales, en les réorganisant entre eux, en les juxtaposant les uns aux autres dans l’espace, Legaré appelle à la reconstruction de l’imagerie mentale des biens.

Dans l’exposition Alambics, le travail de Ginette Legaré nous invite à vivre une expérience en posant un regard renouvelé sur les objets, convoquant notre curiosité qui prend le dessus sur l’identification rationnelle. L’artiste nous amène également à s’extraire de la notion du temps, tel qu’il est construit socialement, pour faire un arrêt et regarder d’une nouvelle manière les objets que notre regard a déjà touchés.

De la même manière que Legaré revisite le passé des objets et des choses pour imaginer ses œuvres sculpturales, le corpus de l’exposition a été élaboré dans une perspective alliant l’actuel et le rétrospectif. Se faisant, la démarche commissariale a permis de dégager, à travers les décennies, des harmonies formelles entre les œuvres de Legaré. Ainsi, Alambics ne nous propose pas de faire abstraction du temps, mais plutôt, de le revisiter à différents égards.

Alors que le fait de ralentir correspond à un acte d’affranchissement qui permet la [re]écouverte de ce qui nous entoure, Legaré nous offre l’opportunité de prendre un moment pour questionner les objets qui nous entourent en tant que témoins du monde qui les fait naître.