Peindre une toile

Du 7 novembre au 19 décembre 2015
Vernissage : Le samedi 7 novembre de 15h00 à 17h00
Eric Lamontagne : Peindre une toile

Il peint la toile
Texte de Clea Calderoni

« Une toile blanche c’est ce qu’il y a de plus beau, et pourtant on ne peut pas la laisser telle qu’elle. Il faut y ajouter des éléments » . Éric Lamontagne aurait pu choisir d’exposer des toiles vierges, mais il préfère insister sur le processus de la peinture.

Le titre de cette exposition, Peindre une toile, est un jeu de mots : il s’agit de l’expression commune prise au pied de la lettre. En effet, l’artiste expose des peintures représentant des toiles. « L’idée initiale vient de l’expression « peindre une toile » que je retourne dans tous les sens, sous toutes ses coutures » explique-t-il.

Pour réaliser ces « toiles », le peintre met en place un processus minutieux. Il commence par numériser différents types de toiles, en jouant avec différent pliage pour créer des compositions. Il vectorise ensuite les images obtenues, ce qui consiste à transformer les différentes zones d’une image en code numérique, c’est-à-dire que l’image est simplifiée en zones de couleurs. La transposition vectorielle agit comme un microscope pour donner différents effets d’échelles, qu’il recopie intégralement sur bois. Compte tenu du fait que chaque vectorisation peut être obtenue à partir de paramètres différents, il obtient différentes interprétations mathématiques du motif de la toile.

Pour varier les approches et enrichir le projet, Lamontagne a aussi réalisé une série de peintures sur le même principe, mais à l’aide de sérigraphies imprimées sur bois, leur conférant ainsi le statut de tableaux. Le but est de jouer ironiquement avec l’idée de rareté et de pureté qui est associée à la peinture en multipliant les tableaux similaires, pourtant tous différents grâce à un traitement de surface inégale et des retouches aux pinceaux.
Le peintre joue avec les effets du mimétisme : dans un premier temps, nous reconnaissons le motif de la toile, le regard pénètre physiquement dans l’espace du tableau qui fonctionne alors comme un trompe-l’œil. Nous pensons voir une toile, et en nous approchant, nous remarquons qu’il s’agit bel et bien de peinture. La couleur appliquée contribue donc à mettre en tension la surface du support avec le motif de la toile.

Effectivement, l’artiste travaille au pinceau, « un acte de résistance » selon lui. Il laisse volontairement des traces pour créer de la texture à la surface de la toile. Lorsqu’on regarde ces tableaux de près, nous voyons chaque touche de peintures, chaque imperfection, chaque empattement. Ce travail minutieux implique un savoir-faire et une dimension métaphysique inexistante dans l’image numérique initiale.

Les œuvres d’Éric Lamontagne brouillent les frontières entre la réalité et la fiction. L’artiste s’amuse avec les codes de la peinture. Les œuvres qu’il appelle « monochromes hyperréalistes » mettent en valeur la mysticité de la toile en y juxtaposant représentations réalistes et toile nue. « La représentation s’abolit dans le représenté » ; la toile, qui est habituellement le réceptacle d’une image, devient ici le sujet même.

1. Gerhard Richter, « Gerhard Richter ou la réalité de l’image, entretient avec Irmeline Lebeer, dans Les chroniques de l’art vivant, n°36, février 1973, p. 15.
2. Entrevue avec Éric Lamontagne, le dimanche 20 septembre 2015.
3. Ibid.
4. Denys Riout, « La toile vierge et la peinture monochrome », dans La peinture monochrome : histoire et archéologie d’un genre, Nîmes : Chambon, 1996, p. 132.