La nature des choses muettes

Du 13 janvier au 24 février 2024
Vernissage : Le samedi 13 janvier 2024 de 15 h à 17 h
Éric Lamontagne : La nature des choses muettes

Texte de Galadriel Avon

Le travail de Lamontagne s’articule généralement autour des idées d’illusion et de désillusion qu’insinuent la réalisation de trompe-l’œil, la manipulation de matières picturales et le jeu entre bi et tridimensionnalité. Commandant une réalisation toujours méticuleuse, ses tableaux offrent une vue renouvelée sur des décors communs qu’il sublime. Par des approches plastiques inusitées et ingénieuses, Lamontagne joue avec les codes de l’histoire de l’art et revisite le rapport traditionnellement cultivé entre une œuvre et son public. Ses projets coulent dans l’espace d’exposition, une invasion judicieuse qui force la réappréhension de nos mécanismes intériorisés de contemplation.

Affectionnant les territoires naturels avoisinés au fil du temps et arborant toujours en trame de sa production un ton à la frontière de l’engagement et de l’absurde, Lamontagne élabore des stratagèmes singuliers pour parler d’une réalité dont il brouille les contours, rapprochée de la fiction. Afin que ses tableaux prennent vie, il détache leur motif de la planéité des supports adoptés, rencontrant ainsi autrui dans cette nouvelle dimension construite de ses mains. Le nouveau corpus qu’il expose poursuit ce filon : il place le paysage comme sujet afin d’explorer l’inconstance avec laquelle l’humain l’aborde, regardant tous ces lieux tantôt cajolés et marchés avec soin, tantôt piétinés et laissés pollués.

Poncer la toile, trouer sa matière, examiner ses possibilités et déployer des régions qui défilent comme des déjà-vus constitue la démarche récente de l’artiste. Les traces que nous oublions d’effacer après nous sont le fruit d’une négligence qui l’obsède, une préoccupation pourtant féconde et grouillante d’imaginaires visuels forts. Dans l’atelier, des maquettes s’accumulent et laissent observer ces tentatives de décollement qui font s’envoler des papillons, se déplier des valises, se rouler des cigarettes dans l’air — autant de projections qui commentent nos relations au terrestre et envisagent l’impact que nous avons sur les lieux et les vivants lorsque nous foulons pays.

Ainsi se dessinent des univers pluriels qui envisagent nos empreintes et proposent des pistes pour repenser notre marche du monde. Par un travail de soustraction, Lamontagne révèle dans la toile des objets sculpturaux qui ravivent une discussion politique sur fond de souci écologique. Il propose par leur biais une nouvelle façon de fréquenter les milieux naturels qui s’appuierait moins sur la consommation, plus sur l’attention. Réflexion sur la présence, sa collection de tableaux redéfinit les concepts d’extraction et de productivité. Elle décrit une cohabitation actuelle qui renvoie directement à son envers du décor : un espace craqué où l’humain et la nature sont sur la brèche, attendant une trouée poétisant leur avenir.

L’artiste tient à remercier le Conseil des arts du Canada pour leur soutient.