Lawond

Du 7 septembre au 26 octobre 2024
Vernissage : Le samedi 7 septembre 2024 de 15 h à 17 h
Eddy Firmin : Lawond
Commissaire : Tamar Tembeck

Nos histoires sont écrites dans et sur nos corps. Nos identités sont indissociables de nos expériences corporelles, lesquelles sont à leur tour façonnées par les héritages génétiques, culturels et épigénétiques que nous livrons à nouveau au monde, le temps de notre existence.

Dans le travail de l’artiste montréalais d’origine guadeloupéenne Eddy Firmin, la question de l’être-au-corps est foncièrement politique. Le corps est un lieu de contestation, mais aussi de transformation potentielle. C’est autant un siège de sagesse que d’impuissance, une sentence tout comme une source de libération. Être au monde s’avère une constante négociation entre différents êtres-aux-corps, avec leurs bagages et leurs expériences propres, et leurs perspectives nécessairement toujours partielles. Dans une telle situation, quelles sont les conditions qui peuvent donner lieu à de véritables rencontres?
Lawond invite le public à se pencher sur cette question. Le « lawond » désigne le cercle des participants au Gwoka de Guadeloupe, une pratique englobant la danse, le chant, le conte et la musique, qui est associée à une forme de résistance aux violences coloniales 1. Sous le principe de l’improvisation, n’importe qui dans l’assistance peut se joindre à cette ronde, et y contribuer son expérience avec un récit dansé et chanté.

L’exposition se déploie comme un dispositif de partage, de rencontre et de transformation dans une démarche qui se veut foncièrement décoloniale. Réunissant des objets sculpturaux représentant l’artiste et des membres de sa famille, ainsi que des images détournant des stéréotypes issus de la culture visuelle négrophobe, Lawond propose un espace-temps pour métaboliser nos héritages coloniaux.
Le public a le choix de se poser dans l’installation Tenir salon, par exemple, pour discuter et y consulter des ouvrages de la bibliothèque tout en dégustant un café ou un chocolat, des consommations directement liées au commerce triangulaire. D’autres peuvent effectuer le dépôt d’objets racistes ou xénophobes issus de leurs propres collections, ou livrer le récit d’une histoire vécue dans l’installation participative du confessionnal. Ces offrandes du public se font de manière entièrement anonyme et volontaire ; l’idée étant d’ouvrir une autre issue possible pour ces héritages que nous portons toustes, mais dont nous ne savons pas quoi faire, ou que nous ne souhaitons plus conserver. Comment transformer ces histoires sans les oublier ou les nier? Que faire de ces héritages non désirés? À travers cette installation, et l’ensemble de son exposition, Firmin offre une issue potentiellement cathartique pour ces legs compliqués. Lawond nous invite à prendre un pas en nous engageant volontairement dans cette ronde, et de le faire avec un œil critique, mais aussi rempli de compassion.

Texte extrait de l’opuscule rédigé pour l’exposition Lawond, présentée à OBORO du 16 septembre au 14 octobre 2023.

1. Cf. Eddy Firmin (2019). Méthode Bossale : Pour un imaginaire et une pratique visuelle décolonisée. Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal.