#NEVERIDLE

Du 9 mars au 27 avril 2013
Vernissage : Le samedi 9 mars de 15h00 à 17h00

Texte de Véronique Gagnon

Nous pourrions aborder le travail de Sonny Assu selon les préceptes de l’abstraction géométrique. Les formes en aplat, le traitement de la couleur, les lignes contours et les formes des canevas constituent des éléments représentatifs de cette tendance. Or, il s’avère impossible de faire fi des origines de l’artiste dans la réception de son œuvre. Assu est issu de la culture autochtone Kwakwaka’wakw, il s’en inspire pour mieux la réactualiser et la combine à sa réalité urbaine et occidentale.

L’esthétique de l’artiste réfère au style formline de la côte Nord-Ouest. Ce système de représentation codé se caractérise par un réseau linéaire noir qui se développe à partir d’un répertoire de formes – ovoïde, U…- et qui représente de façon épurée les figures de leur mythologie . Assu explore cette tradition de façon personnelle, ses tableaux semblent cibler une parcelle d’un système linéaire issu de sa propre conception qui évacue la valeur symbolique de l’original. Aussi, après avoir favorisé pendant quelques temps l’abstraction, Assu réintroduit ici un motif discret, mais récurrent. Ainsi, on retrouve dans différentes œuvres une tête d’oiseau stylisée qui participe à son récit personnel.

Artiste multidisciplinaire, Assu propose pour cette exposition un corpus pictural où se côtoient des enjeux qu’il explore depuis quelques années. Ainsi, les œuvres circulaires réfèrent à des productions antérieures –Silenced (2011) et Billy and the Chiefs (2012)- où l’artiste abordait, par la figure du tambour, l’interdiction des potlatchs émise par les autorités canadiennes dans l’objectif d’assimiler les Nations autochtones. L’instrument de musique se transforme ici en symbole du silence imposé à ce peuple. Assu se réapproprie par cet objet une technique ancienne en construisant son support à la manière des tambours traditionnels. La peau de wapiti remplace la toile et devient le support d’une exploration formelle abstraite. La forme du canevas pour #Hamatsaphotobomb va aussi en ce sens en évoquant les couvertures cérémonielles des communautés autochtones de l’Ouest. Ces combinaisons sémantiques permettent l’éclosion de nouveaux objets hybrides contemporains qui cristallisent la survivance de cette culture malgré toutes les tentatives d’assimilation.

Si l’humour tient une place importante dans sa production, il se fait ici plus discret. Pour retrouver l’ironie, il faut pour cette exposition porter attention à la nomenclature de ses tableaux qui évoque des mots-clés employés sur Twitter, comme en témoigne #Potlatchshadesofgrey. Le système codé des réseaux sociaux internet juxtaposé aux références traditionnelles met de l’avant l’actualité des enjeux autochtones. Assu évoque clairement son désir d’éducation sur les problématiques des Premières Nations et ce, dans un espoir de dialogue, avec humour et sans culpabilisation. L’ensemble trouve sans aucun doute son écho dans les revendications du mouvement Idle No More présentement en cours au pays.

1.Janet C. Berlo, Ruth B. Phillips, Amérique du Nord, Arts premiers, Paris, Albin Michel Impression, 2006, p. 191-195.
2. Cérémonies traditionnelles des communautés autochtones de l’Ouest canadien dans lesquelles sont échangés des biens pour marquer certains évènements importants. Rituel interdit de1884 à 1951. René R. Gadacz, « Potlatch », L’encyclopédie canadienne, En ligne, http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/potlatch