Vernissage : Le jeudi 12 septembre de 17h00 à 20h00
Texte de Chloé Savoie-Bernard
Dès1913, avec son installation Roue de bicyclette, Marcel Duchamp a pavé la voie à l’art conceptuel en créant ses premiers « ready-mades », réalisant des sculptures avec des objets de la vie courante qu’il détournait de leurs fonctions pour ensuite les désigner comme étant des œuvres à part entière. C’est l’intervention de l’artiste qui permettait de changer la perception que le visiteur percevait de l’objet, arguait-il. Dans un tel ordre d’idée, comment distinguer le beau du laid, ce qui est de l’art de ce qui n’en est pas ? Mêler les cartes de l’ordinaire pour revoir les acceptions doxiques, voilà l’un des aspects du profond héritage laissé par le célèbre dadaïste.
Cent ans plus tard, l’artiste Zeke Moores, basé à Windsor, marche dans les sillons laissés par Duchamp. Ses œuvres s’inspirent elles aussi directement du décorum de la vie quotidienne et font la part belle à des objets que l’on ne remarque pas : pensons entres autres à Happy Meal (2007) qui reproduit des emballages de fast food , à Pylones (2007) qui évoque des cônes de signalisation ou encore à Port-O-Potty (2011) qui représente une toilette sanitaire. Chez Moores, le recyclage est d’ordre symbolique plutôt que matériel puisqu’il ne réutilise pas des objets mais les reproduit plutôt de manière mimétique, minutieusement, respectant échelles et procédés de fabrication pour créer des œuvres au réalisme fascinant. À ces items destinés à une utilisation pratique, qui passent sous le radar dans le paysage urbain, Moores donne la place d’honneur. Plus encore, en les construisant à partir de métaux chatoyants qui captent rapidement l’œil, comme du bronze, du nickel ou de l’acier chromé, il oblige la réflexion quant à la hiérarchisation des objets que nous côtoyons au quotidien : si une toilette sanitaire brille autant qu’un bijou précieux, comment cela renverse-t-il la perspective que nous en avons ?
Ainsi, en donnant un air d’opulence à ces objets souvent considérés comme anodins, le sculpteur canadien réitère leur importance et crée des artéfacts : contrairement aux originaux qu’ils reproduisent qui sont destinés à un usage éphémère, on traite avec déférence ces objets qui deviennent indestructibles grâce aux matériaux dont ils sont composés. Zeke Moores produit en effet des memento mori de la contemporanéité et de ce qu’elle recèle de trésors cachés : il fait apparaître ces objets que l’on ne voit plus, et souligne que l’art peut jaillir de n’importe où.