Robbie Cornelissen: The Capacious Memory
Texte de Annie Hudon Laroche
La pratique artistique de Robbie Cornelissen amalgame la vivacité et la chaleur des traits graphiques de l’artiste à l’apparente froideur des espaces qu’ils représentent. L’univers bigarré que Cornelissen trace au fil de ses différents dessins et vidéos d’animation est sibyllin. Majoritairement en noir et blanc, les dessins de Cornelissen représentent de vastes espaces architecturaux qui sont soulignés par les imposants formats qu’adopte parfois l’artiste. Ces espaces semblent monumentaux, vertigineux peut-être en raison de la présence, somme toute rare, de figures humaines ou animales dans ses œuvres. Notre regard erre dans les différents lieux, tantôt d’apparences organiques, tantôt géométriques qui nous sont présentés pour mieux les habiter. Par la force des associations qu’il est possible de faire entre les dessins, un dédale mental se construit, formé des différentes parties d’un tout qui semblent nous échapper. Ainsi, de la succession d’images émerge une trame narrative qui demeure cependant toujours incertaine puisque même s’il est possible d’identifier certains lieux (une salle d’exécution, une bibliothèque, etc.) leurs natures demeurent troubles.
Cette impression d’immersion que le spectateur éprouve devant les dessins est exploitée par l’artiste et devient encore plus effectif lorsque ce dernier emploie la tridimensionnalité avec la vidéo d’animation. Son film Het geheugen (2006), constitué à partir de dessins que Cornelissen a réalisés précédemment, illustre un parcours autant spatial, qu’intellectuel. La vidéo d’animation débute par un motif bidimensionnel carreauté rappelant le médium du dessin dont elle est issue. Peu à peu, le carreau devient un cube à partir duquel émerge l’univers graphique du film. L’espace dévoile, suite à cette transformation spatiale, un personnage de synthèse schématisé. Seul, assis devant une table, ce dernier fait face à une imposante structure qui le domine. Cette structure nous est alors donnée à voir avec ses successions d’étages et de poutres qui se déploient au son des bruits métalliques ambiants. À l’environnement extérieur du personnage répond par la suite son espace intérieur. Cet espace intérieur est évoqué par une fuite en avant et un retour au motif initial du carreau qui ouvre cette fois sur un site rappelant à la fois un laboratoire et une usine. Lentement, nous découvrons les différents éléments qui composent l’esprit de cet individu anonyme. À travers ces lieux désertiques se succèdent tableaux-graphiques, monte-charges, tuyaux, machines et télescope. Ces éléments hétérogènes viennent ponctuer ce parcours intérieur qui demeure aussi évocateur que nébuleux. Naviguant entre l’espace extérieur et espace intérieur, Robbie Cornelissen crée un univers trouble où l’imaginaire et la mémoire se rencontrent.