Springbreaker Tsantsas

Du 9 mars au 27 avril 2013
Opening reception: March 9th from 3-5pm

Texte de Nadège Fortier

Depuis des siècles, les indiens Jivaros réduisent la tête de leurs ennemis, préalablement assassinés et décapités. Ce rituel de vengeance vise à emprisonner l’esprit malin de ces derniers à l’intérieur de ce qu’ils appellent une tsantsa. On raconte que dans les années qui suivirent la conquête espagnole, de nombreuses têtes de ces envahisseurs européens furent ainsi réduites.

De nouveaux conquistadors envahissent de nos jours les plages des pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, pour de tous autres motifs. Chaque printemps, ils sont des milliers de springbreakers à prendre d’assaut les complexes hôteliers, leurs plages et leurs piscines privées pour y faire la fête de façon souvent dégradante. Abus d’alcool et sexualité dépravée sont souvent au menu de ces « semaines de relâche » (Spring break) documentées dans divers médias.
Lorsqu’un garçon arpente les plages mexicaines afin de vendre à ces touristes des (fausses) tsantzas faites de têtes de springbreakers, une ronde économique effrontée se met en marche, faisant de ces derniers à la fois le consommateur potentiel et le matériau de base de l’objet à consommer. Cet artefact, qui tire ses racines de l’histoire même des peuples de ces pays hôtes, agit à la fois comme un rappel des confrontations de jadis et comme une menace pour l’envahisseur d’aujourd’hui.

Comme dans le cas de l’œuvre Of Genuine Contemporary Beast (2005-2007), qui fût présentée à Art Mûr durant l’exposition Mens-moi à l’automne 2011, Renato Garza Cervera utilise l’humour noir afin de choquer et d’éveiller le regardant à la réalité de son pays d’origine. « Mon travail est un exercice critique dans lequel le spectateur est impliqué pour réexaminer une situation de la vie quotidienne ». Grâce à l’hyperréalisme de ses peaux tatouées de de symboles des gangs de rue ou de ses tsantzas de touristes, l’artiste vient secouer celui qui confronte ces œuvres parce qu’elles font violence à l’intégrité du corps humain. Comme un chroniqueur, il témoigne ici de la réalité frustrante des populations locales qui doivent côtoyer ces voyageurs, tout en évoquant la réputation de plus en plus violente de ces destinations, marquées par de nombreux récits médiatiques mettant en scène des meurtres de touristes. Springbreaker Tsantsas (2009- ) représente donc en quelque sorte un fait divers dans lequel la violence et l’absurdité se mêlent, mettant de cette façon en lumière cette facette de l’économie touristique qui reste habituellement dans l’ombre, soit celle de ces communautés qui voient débarquer, année après année, ces nuées de Nord-Américains à la recherche de plaisirs dévergondés qu’ils n’oseraient jamais s’offrir chez eux.

1. »Of Genuine Contemporary Beast / Renato Garza Cervera » HEY! Revue d’art. France. Nº 6. juin 2011.