Vernissage : Le samedi 7 janvier 2023 de 15 h à 17 h
Peter Gnass : La multitude déchue
Texte de Peter Gnass
Telles qu’on les érige encore aujourd’hui, tout comme autrefois partout dans le monde, les statues témoignent systématiquement de cette domination idéologique des gens de pouvoir sur les populations. On imagine l’humble soumission d’un peuple à la volonté d’une entité « toute-puissante », ou tout homme en position de vulnérabilité, dépossédé de son droit de parole et de pensée libre. Souvent la conception d’un monument est essentiellement chargée de valeurs patriotiques, nationalistes ou familiales et le concept n’a pas vraiment changé quant aux statues les plus récentes.
À travers les temps, partout dans le monde, l’imposition des statues dans une ville n’a absolument rien de démocratique. La plupart des statues ne sont pas de l’art à proprement dit car elles ne donnent aucun champ libre à leur interprétation ni à l’imaginaire du regardeur. Elles ne sont pas des œuvres ouvertes. Plutôt dogmatiques, elles dégagent cette puissance d’autrefois. Elles ne font que véhiculer une idéologie unilatérale, presque frontale et bidimensionnelle « coulée dans le bronze », à l’épreuve du temps et des intempéries. Elles sont dépassées par le temps, par l’évolution de la pensée, les mouvements libres de la pensée.
Ces créations de statues « plus contemporaines » commandées à des artisans et sculpteurs professionnels par des dirigeants, commanditaires, gens d’affaires ou mécènes, avant tout se doivent de rencontrer les motivations, l’intention, le « faire valoir » et la satisfaction de leur/s client/s. Que dire alors à propos de ces gens qui apprécient ces statues?
D’abord ils sont ces partisans les plus radicaux de valeurs anciennes, « conservatrices » et qui principalement appartiennent aux classes cultivées. Ce plaisir qu’ils éprouvent en présence d’un monument ne provient pas seulement de son ancienneté, mais surtout de ce sentiment de satisfaction à pouvoir ainsi catégoriser un monument comme détenant les attributs et caractéristiques « de qualité » et d’une « beauté » de style antique, gothique ou baroque, etc. Le savoir historique devient donc également une source de plaisir esthétique conditionnée par l’ancienneté.
« Cette satisfaction n’est certes pas immédiate, d’ordre artistique, mais scientifique car elle suppose une connaissance de l’histoire de l’art. » (Aloïs Riegl) Le culte moderne des monuments.
Si cet énoncé est véridique, nous sommes devant une situation paradoxalement élitiste, où tout passant ou touriste percevrait nécessairement les statues avec une vision de premier degré où l’appréciation esthétique et personnelle de compte pas au profit d’une interprétation superficielle de cette « chose ». Cette « chose » que toute ville occidentale doit faire entrer dans son inventaire. Cette belle « chose » symbolique et faisant preuve de la richesse d’un patrimoine culturel.
Or, nous sommes au XXIème siècle et ils sont d’innombrables artistes contemporains doués, intuitifs, éclairés et stimulant notre imaginaire. Pourquoi alors encombrer nos espaces publics avec ces symboles auxquels personne ne s’identifie vraiment, trop ambigus, et reflétant les politiques d’une autre époque?