Landslip

Du 6 mai au 17 juin 2023
Vernissage : Le samedi 6 mai 2023 de 15 h à 17 h
Nicholas Crombach : Landslip

Nicholas Crombach : Landslip, ou glissement de terrain
Texte de Virginie Provost

Le glissement de terrain se définit par un affaissement graduel du sol, phénomène d’origine naturelle, mais de plus en plus induit par l’activité humaine. Il survient lorsque la pression exercée sur une pente atteint le point de bascule, entraînant alors un mouvement de masse. Amenée à la limite de sa capacité, la terre s’effrite et s’écroule, exposant ainsi les couches situées sous sa surface.

Dans Landslip, Nicholas Crombach effectue un rapprochement entre le glissement de terrain et la discipline de l’archéologie qui, par la mise à nu des différentes strates sédimentaires accumulées au fil du temps, peuvent tous deux fournir des indices sur l’histoire géologique de la région et permettre la découverte de vestiges.

Crombach s’intéresse aux enjeux archéologiques actuels, qui incluent des débats sur la propriété et la restitution des objets historiques. Par exemple, si l’étude d’artefacts vise à comprendre et à préserver le passé, elle implique paradoxalement leur destruction, les fouilles et les analyses entraînant inévitablement l’altération de l’intégrité physique de ces objets.

Le travail de Crombach incarne cette idée de terre dérobée par l’action humaine. Mêlant questions environnementales, archéologiques et muséologiques, Landslip devient le théâtre d’une zone sinistrée, d’un site de fouilles archéologiques et de la réserve d’un musée. La disposition du casque et des gants illustre parfaitement cet amalgame, ceux-ci étant à la fois traités comme indices d’un incident, artefacts et objets d’exposition, prenant place au cœur d’une atmosphère grave, post-catastrophe. L’obscurité de la pièce, traversée par la lueur rutilante des phares de voitures, intensifie ce sentiment de danger, cette sensation de menace inhérentes à une scène d’accident.

L’encastrement de ces phares au sein des rochers renvoie explicitement à l’idée d’une catastrophe naturelle, évoquant peut-être cette éternelle lutte de l’homme contre la nature. L’arrangement aléatoire de ces masses rocheuses réfère, d’une part, au caractère fortuit du glissement de terrain et de l’autre, au phénomène des blocs erratiques — rochers datant de la période glaciaire ayant été transportés par les glaciers et déposés loin de leur substratum d’origine. Le terme « erratique » renvoie à l’imprévisibilité de leur distribution géographique.

Les enjeux contemporains relatifs aux vestiges historiques interrogent également le droit des institutions et des collections privées de les conserver : extirpés de leur contexte d’origine, dans un endroit où les régions et les époques se confondent, la signification ainsi que la valeur historique et culturelle de ces objets se voient dénaturées. Le musée comme lieu de rencontre de temporalités plurielles se traduit dans l’exposition par ces sculptures comprenant matériaux, motifs ou ornements propres à divers moments de l’histoire. Les ossements du char funéraire de Crombach, par exemple, sont composés d’objets décoratifs et d’artefacts appartenant à différentes périodes, et sont disposés sur une imitation de velours couleur bordeaux, rappelant ces surfaces sur lesquelles sont exhibés les biens précieux.

En somme, Landslip donne à voir la dualité de l’anthropocène, mettant en évidence la nécessité d’une coexistence durable entre l’homme et la terre. À l’aune de références multiples aux problématiques environnementales, archéologiques et institutionnelles, Crombach façonne un univers hors du temps, où se confrontent passé et présent, et où les conséquences de l’intervention humaine sur la planète et ses systèmes naturels sont mis en lumière.