Neil Harrison : Fields

Du 17 janvier au 28 février 2015
Vernissage : Le samedi 17 janvier de 15h00 à 17h00
Neil Harrison : Fields

Texte de Isabelle Lynch

Les compositions monochromes de la série Fields de Neil Harrison posent un problème à la fois logique et formel. Bien que la pratique de Harrison soit fortement ancrée dans le langage visuel de l’abstraction géométrique, un art tentant d’exprimer l’universel, l’artiste s’inspire aussi du domaine des mathématiques discrètes, une branche qui se consacre spécifiquement à l’étude des ensembles connus et mesurables.

Les œuvres de la série Fields sont composées de fines bandes noires, qui strient uniformément les toiles de lin brut. Une ligne noire trace la forme de chaque toile, délimitant ainsi l’espace pictural et créant l’impression que l’œuvre se développe selon sa propre logique interne. Les fonds gris sont rigoureusement délimités par des bandes noires qui traversent les tableaux verticalement ou horizontalement et créent des plans presque ininterrompus. Cela produit l’impression d’œuvres calculées, logiques, et excluant d’emblée toutes expressions subjectives. Les œuvres de la série Fields sont à la fois des toiles abstraites et des diagrammes à travers desquels Harrison propose une visualisation de problèmes logiques. Bien que les abstractions géométriques de Harrison semblent occuper l’ordre déterminé et intelligible de l’espace cartésien, les bandes noires s’arrêtent de manière imprévue, trahissant ainsi les structures logiques des tableaux. En invitant le spectateur à questionner la relation entre la forme de la toile et l’image peinte, Harrison affirme la réalité matérielle de l’œuvre et inverse la relation traditionnelle entre le tableau et ses limites, rappelant ainsi les questions abordées par les toiles mises en forme de l’artiste Américain Frank Stella.

Dans son traité intitulé « Critique du jugement » (1790), le philosophe allemand Immanuel Kant distingue deux formes de sublime: le sublime mathématique et le sublime dynamique. Selon Kant, le sublime mathématique dépasse l’imagination tandis que le sublime dynamique excède notre entendement. Les toiles abstraites de Harrison explorent le concept du sublime en visualisant les espaces infinis et les solutions ou valeurs indéterminées des théories mathématiques. Par contre, il est impossible de résoudre les structures logiques qu’elles proposent par un processus purement rationnel faisant appel à un raisonnement fondé sur des règles rigoureuses. En effet, afin de résoudre la structure logique des tableaux, les spectateurs sont invités à naviguer dans l’espace pictural intuitivement. La série Fields évoque l’écart entre le sensible et l’intelligible et confond la distinction entre le résolu et l’irrésolu en proposant une interprétation de l’image qui est à la fois rationnelle et émotionnelle.