Texte de Marie-Ève Beaupré
L’univers des sciences dispose d’un vaste terrain d’expérimentation dans lequel le chercheur oeuvre au moyen d’hypothèses, de méthodes, de techniques et de protocoles. Il partage avec celui de la recherche artistique plusieurs problématiques et, de surcroît, un mandat commun : la découverte. Si les représentations macroscopiques du ciel étoilé semblent aujourd’hui faire partie des images devenues familières, il semble peu probable de penser que quelques morceaux de plastique – un matériau si banal ! – puissent susciter l’émerveillement. Et pourtant… L’artiste sait comment faire basculer notre perception de la matière ; parfois il ne s’agit que de modifier l’échelle des dimensions entre le réel et sa représentation.
Les recherches de Laurent Lamarche visent la création, entre spécimen et récit, de potentialités narratives à la frontière de l’infiniment grand et l’infiniment petit. S’inspirant des procédés d’imagerie scientifique et de ses modes d’inventaire, il emprunte une part de son vocabulaire et de ses dispositifs de présentation au chercheur en microbiologie. Son objet d’étude, le plastique, est soumis à de nombreuses expérimentations. Dans l’atelier, la matière est chauffée, collée, étirée, courbée, tordue, pliée, puis organisée en un répertoire de formes parmi lesquelles certaines ressemblent à des organismes vivants. L’artiste conçoit en ces gestes des objets fictionnels sculptés, assemblés, numérisés, photographiés, dont les représentations suggèrent, en apparence, les possibilités offertes par la technologie.
Si la transparence est une qualité plastique propre à ses sculptures, elle est motivée par des observations du vivant microscopique. En étudiant les micro-organismes, on réalise que, malgré leur grande diversité, ces êtres vivants ont en commun d’être transparent ou translucide, notamment le mycoplasme, une bactérie de petite taille, dépourvue de paroi, dont il existe plusieurs espèces. Il s’agit de la première bactérie reproduite artificiellement, c’est-à-dire construite par génie génétique autour d’un chromosome de synthèse. La bactérie comme artifice, voilà un prétexte à la fiction.
En référant ainsi à la recherche scientifique, Laurent Lamarche pointe dans son travail un intérêt pour les explorations fictionnelles liées aux nouvelles formes de vie. Là où se croisent artistique et génétique, on retrouve l’artifice, le manipulé, qui lie la technologie à la nature. Si, dans cette exposition, l’ensemble d’oeuvres issues d’un même matériau synthétique peut susciter l’impression d’un monde immatériel, il est intéressant de constater que le concept de matérialité semble relatif aux outils de l’époque où il s’énonce.