Vernissage : Le jeudi 11 novembre 2021 de 17 h à 19 h
Karine Giboulo : Ma Maison de plain-pied
Texte de Vincent Arseneau
Karine Giboulo utilise depuis quelques années déjà les techniques du diorama, un dispositif propre au processus cinématographique de la fin du XIXième siècle et adapté à la miniature. Elle y exprime les grandes préoccupations actuelles et pose les questions essentielles de notre temps à travers la lunette du petit, du micro et du modeste. Le macrocosme fixé dans le microcosme.
La miniature et le diorama animent tout un courant de l’art contemporain. Se limiter au dispositif cependant consisterait à passer à côté des questions que l’artiste pose. Car le travail de Giboulo ne se réduit pas à sa matérialité ni à ses qualités esthétiques.
Procès d’une société consommatrice des énergies de la planète et dévoreuse d’humains, Ma Maison de plain-pied est le lieu d’un manifeste sociologique et politique, tout en douceur. En temps de pandémie, avons-nous modifié notre consommation? Giboulo ouvre les portes de sa maison en ce temps sur « pause » et met en scène les différents symboles liés à l’adaptation à la maladie et les actions, telles que désinfecter les oranges, les bananes, le pot de beurre d’arachide; un nombre effarant de couturières sont enfermées dans la commode de l’artiste, à concevoir les masques sur des machines à coudre, avec un effet-miroir où elles sont démultipliées; des consommateurs s’attardent à choisir leurs fruits et légumes à l’épicerie. Tous masqués.
Le récit de l’installation emporte le visiteur dans les différentes facettes de ses incertitudes, de sa soumission, de ses micro-révoltes. Croire ou ne pas croire en la maladie; porter le masque ou pas; maintenir la distanciation et autres consignes sanitaires enclavant, enfermant l’individu de plus en plus, dans sa maison ou pire au fond de lui-même coupé d’autrui, « obéissant et docile ».
Un élément phare de l’exposition présente des personnes âgées, enfermées dans des pots « Mason », articles essentiels à la conservation des aliments, aussi rares durant le confinement que la farine, la levure et le papier hygiénique. Les pots sont placés, superposés, simulant les chambres d’un CHSLD où l’horreur se prépare.
Présence discrète, le personnage de la grand-mère accompagne les installations de Karine Giboulo depuis plus de 20 ans. L’artiste raconte que sa grand-mère maternelle a été la première à soutenir son travail en lui offrant un espace d’atelier dans sa maison. Dans Ma Maison de plain-pied un statut particulier lui est offert : elle veille sur tous et toutes. Elle se hisse au sommet de la vie durement éprouvée des personnes âgées dans les CHSLD, terminant son tricot, symbole de réconfort.
Sans trop savoir si nous sommes regardeurs ou regardés, Ma Maison de plain-pied joue sur les deux facettes, dans un regard croisé. C’est nous dans ces espaces, sans artifice. Ce microcosme reflète la réification du monde dans ce néo-capitalisme désolant.