Après avoir visité les dessous du « made in China » (All you can eat et Village électronique, 2008), Karine Giboulo se penche ici sur une autre facette de la mondialisation économique et de l’urbanisation : la croissance effrénée des bidonvilles (principalement dans l’hémisphère Sud et dans l’Orient). Car si la vie en campagne devient de plus en plus difficile, la migration des populations rurales vers les villes transforme souvent l’espoir des paysans en un second cauchemar. En effet, il est plus juste de parler de sur-urbanisation, de « bidonvilisation » – pour reprendre le terme du sociologue Mike Davis –, cette réalité grandissante découlant principalement du fait que l’explosion des populations urbaines se fait en dépit du déclin économique des villes du Sud, qui les rend inaptes à loger et à employer tous ces migrants.
« Village Démocratie », c’est le nom d’un bidonville en périphérie de Port-au-Prince (semblable à Cité Soleil). Ce nom tout en ironie – et donc à l’image du travail de Giboulo – choisi pour titre de l’oeuvre, fait de celle-ci un hommage à ses habitants, qui ont accueilli l’artiste dans leur quotidien et qui ont partagé avec elle quelques fragments de leur vie.
Les Haïtiens et les Africains qu’elle a rencontrés lui ont donné matière à réfléchir longuement et à continuer à créer. Du haut de son hémisphère Nord, elle bâtit non pas un « mini Village Démocratie » à strictement parler, mais un village global qui réunit le Nord et le Sud, l’opulence et la faim, mettant en scène les contrastes de deux réalités aux antipodes. Illustrant, matérialisant et questionnant le « lien invisible » qui nous rattache tous les uns aux autres. Un lieu du tragique de la condition humaine, qu’elle affabule et qu’elle universalise. En le juxtaposant à des univers imaginaires des plus contrastants, l’artiste cherche à représenter le cuisant clivage qui nous sépare.