Vernissage : Le samedi 5 mars de 15h00 à 17h00
Karine Giboulo : Broken Circle
Texte de Clea Calderoni
Dans le but de réaliser un projet sur le « génocide culturel »1 des peuples des Premières Nations, Karine Giboulo s’est rendue au sein de différentes communautés autochtones du Québec. Broken Circle est le résultat de cette recherche. Désirant amplifier la récente prise de conscience à l’échelle nationale, l’artiste explique que le sujet choisi ne concerne pas uniquement les autochtones, mais bien l’ensemble des canadiens.
L’œuvre Broken Circle est une installation circulaire de huit pieds de diamètre qui présente de nombreuses scènes par le biais de personnages et objets minutieusement sculptés. Le cercle représente à la fois l’unité familiale et le territoire des peuples des Premières Nations. Brisée de part et d’autre, la narration y survient en plusieurs temps.
Une rencontre a été plus marquante que les autres lors du voyage de Giboulo : celle avec Mathias, un Innu de Natashquan. Il raconte à l’artiste les détails de sa vie, et en particulier son expérience de maintes années vécues dans un pensionnat. L’installation Broken Circle est grandement inspirée du récit de Mathias. Bien que l’on puisse y discerner le paysage et le mode de vie des Innus, l’histoire contée résonne avec celle de la majorité des peuples autochtones du Canada. La première partie se déroule dans la toundra et représente une scène de chasse aux caribous. On y voit aussi un rassemblement d’enfants sur leur départ vers les pensionnats. On se trouve alors dans les années 1950, c’est dans ce contexte que Mathias vient au monde. Puis, l’installation nous conduit devant un pensionnat. Dans cette partie, toutes les scènes sont en noir et blanc dans le but de faire ressortir l’aspect tragique des actions s’y déroulant. L’artiste tente ici d’imager ce qui a été vécu par les jeunes autochtones dans ces institutions dont le mandat, établi par John A. Macdonald, vise à « tuer l’indien dans l’enfant »2. Un bond temporel nous mène ensuite dans une réserve à l’époque contemporaine. On y voit des activités quotidiennes mêlées à des scènes de violence venant illustrer les difficultés des communautés à porter leur lourd héritage. À travers cet univers coloré, Karine Giboulo souhaite lever le voile sur l’assimilation culturelle qui a été imposée aux Nations autochtones, sur le « racisme intergénérationnel »3 qui en découle, et sur les politiques canadiennes destructives toujours en place.
Cette œuvre se veut une reconnaissance des souffrances imposées aux peuples des Premières Nations du pays par le gouvernement canadien. En dialogue avec d’autres œuvres gravitant autour de l’expérience de l’artiste avec des individus de différentes réserves, l’ensemble de l’exposition démontre la volonté de l’artiste à réfléchir en livrant un portrait de la situation actuelle au sein des communautés autochtones.
1. Martin Ouellet, « Couillard reconnaît le « génocide culturel » des peuples autochtones du Canada », dans Le Devoir, 4 juin 2015.
2. Cette phrase fut le mot d’ordre sous le gouvernement de John A. MacDonald, mis en place en 1883 et rendant obligatoire l’éducation des autochtones dans les pensionnats.
3. Entrevue de l’auteure avec Karine Giboulo, le 27 janvier 2016.