Vernissage : Le samedi 9 mars 2024 de 15h à 17h
Holly King & Sarah Stevenson : Suspension
Texte de Chloë Lalonde
Traduction par Béatrice Larochelle
Être en suspension, c’est être immobilisé; s’arrêter et flotter, résister au temps. La suspension est à la fois un soulagement et une punition. Retardée ou considérée comme invalide, la suspension est transitoire – libre d’un support immédiat.
Travaillant avec des maquettes, de la peinture, du dessin, de la sculpture et de la photographie, Holly King s’intéresse à l’interprétation des paysages dits naturalistes, qu’elle considère comme une extériorisation ou une projection de réalités personnelles. Son travail exige une immersion totale et, intriguée par la notion de barrière visuelle, l’accès à ses paysages est restreint. Néanmoins, elle a invité une artiste montréalaise, Sarah Stevenson, à intercepter ses espaces sereins avec des dispositifs d’un autre monde.
Familières, inquiétantes et éthérées, nous assistons à la présence de structures extraterrestres, suspendues et mises en scène dans l’espace, des vaisseaux arrivants et des véhicules de passage descendant sur des terres inconnues, lumineuses et en mouvement. Les coups de pinceau épais et gestuels de King créent un climat émotionnel et météorologique. Des falaises de papier sombres et rocailleuses bercent les formes de Stevenson, ces masses aériennes en relation avec le corps, qui provoquent un merveilleux sentiment d’irréalité. Avec un sens de stabilité et de grandeur proche des ruines antiques, elles deviennent comme des colonnes encadrant des fresques.
Créées pour les maquettes de King, les sculptures de Stevenson ont été réduites à une fraction de leurs dimensions initiales. En enroulant du fil de couleur vive autour d’un câble malléable utilisé dans les arrangements floraux, Stevenson superpose des anneaux dont la taille diminue ou augmente pour créer des formes qui semblent surgir de nulle part, semblables à un vase Rubin – mis au point par le psychologue danois Edgar Rubin en 1915 dans le cadre de ses recherches doctorales sur la perception figure-fond, essentielle à la reconnaissance visuelle d’un objet.
En nous concentrant sur les volumes eux-mêmes, nous voyons le vase, et sur l’arrière-plan, des visages se forment. L’une ou l’autre perception exprime la manière dont notre cerveau interprète les informations visuelles, révélant où notre attention est dirigée. Mais contrairement au vase de Rubin, les œuvres n’essaient pas d’être des illusions d’optique. Plutôt, les paysages de King et les sculptures de Stevenson sont tous deux des vaisseaux, qui encadrent et contiennent simultanément l’autre. Les masses terrestres et les vaisseaux dotés d’ouvertures peuvent être regardés à travers et à l’intérieur, poussant, dilatant et contractant l’énergie.
Accompagnant les images, la personnification de deux œuvres plus grandes de Stevenson, Batman et Long Drop, résiste à l’ambiguïté de l’image. Sortant du décor, du paysage, sachant que leurs prénoms les identifient différemment, nous recherchons les liens définis par les idées préconçues du langage. Dépourvus de corps flottants, Deluge et Ominous de King représentent justement la menace d’une tempête et le calme qui la suit.
Sous le nom de A Minor Catastrophe, la collaboration a également été exposée à TrépanierBaer à Calgary, Alberta, en octobre et novembre derniers.