Vernissage : Le samedi 11 janvier 2019 de 15 h à 17 h
Guillaume Lachapelle : Vitesse d’échappement
Art Mûr Montréal
Texte de Vincent Arseneau
Plus que tout autre, l’artiste Guillaume Lachapelle fréquente la science et la technique à travers une production artistique digne des artistes de la Renaissance dont les réalisations précédaient les avancées scientifiques de leur temps. Vitesse d’échappement réfère au comportement des corps célestes qui doivent atteindre une certaine vitesse afin d’échapper à la force gravitationnelle d’un autre corps. Ses mises en scène sont une allusion à ce comportement de la matière. L’exposition met en scène des robots animés dans des systèmes fermés sur eux-mêmes, mus par une lumière stroboscopique et un plateau circulaire opéré par un moteur.
On le sait, les installations ludiques de Guillaume Lachapelle proviennent de son travail acharné sur des imprimantes 3D. Le plastique est le matériau, son iconographie et les mises en scène proposées renvoient à la déshumanisation, à la faillite des rapports sociaux, à l’absence de relations humaines, à la perte de sens du travail et de la vie.
Vitesse d’échappement présente des installations miniatures sortant de l’atelier de Lachapelle. Quatre scènes emblématiques, des boitiers sous verre, présentent tour à tour des robots courant sur une plateforme incertaine, emportés par un vortex. Une deuxième œuvre montre des robots s’échappant d’un tourbillon mais qui sont à nouveau absorbés sous la scène à la base du vortex. Une troisième scène expose des robots coureurs sur une piste vide, dénudée et improductive.
La dernière scène, énigmatique, pièce phare de l’exposition, propose un carrousel simulant une chaine de montage où des automates défectueux écrasent des claviers avec agressivité et produisent des têtes de chevaux qui tombent et retournent dans le système de production.
Le zootrope, dont la création remonte au milieu du XIXième siècle, précédant de quelques années seulement l’invention de la photographie, est l’ancêtre du cinéma. Il s’agit d’une sorte de carrousel sur lequel s’animaient des images fantomatiques. Plus tard, Eadweard James Muybridge invente le zoopraxiscope qui permet de discerner des images animées d’un cheval de course avec son cavalier. Guillaume Lachapelle tire de ces inventions le montage de ses mobiles animés.
Ses productions antérieures proposaient des installations de maquettes issues de l’univers du théâtre (escaliers, bibliothèques) et de l’architecture (stationnements, villes). En utilisant la lumière et le mouvement, Lachapelle offre au regard des ensembles miniatures complexes où l’œil s’anime sous les éclairages stroboscopiques et les mouvements circulaires de ses personnages.
Le spectateur ne se laissera pas distraire par l’effet ludique des montages complexes et attrayants de l’artiste. Car dans une perspective sociologique et anthropologique, l’artiste fait le procès d’une société où l’espace se réduit à une mécanique absurde, robotisée et sans finalité, duquel l’humain est exclu. Les miniatures animées de Lachapelle, aussi séduisantes soient-elles, ne proposent pas uniquement un récit dystopique et un destin tragique pour l’humain. Elles présentent une réflexion sur notre devenir, les attentes d’un système de consommation-production toujours plus exigeant, bref sur notre capacité à résister à la robotisation nos esprits.
Guillaume Lachapelle développe une pratique artistique et poursuit une carrière depuis près de vingt ans. Il a réalisé des installations d’art public à Montréal (L’Attente, Ahuntsic-Cartierville), La Façade (Ville-Marie) et en région (Varennes). Natif des Cantons de l’est, il vit et travaille à Montréal. Diplômé de l’UQAM en arts visuels, très tôt il s’intéresse et touche à la sculpture. Lachapelle compte plusieurs expositions de groupes et individuelles à Montréal, Rimouski, Sherbrooke et Toronto. Il a de plus exposé à Künstlerhaus Bethanien à Berlin dans le cadre d’une résidence d’artistes.
Lachapelle maîtrise parfaitement la technologie de l’impression 3D. La démarche artistique de Lachapelle met en scène « un univers ludique peuplé d’objets aux fonctions incertaines où les codes du réel sont interprétés », selon le critique Éric Clément. À la rencontre de deux mondes, les façades et les seuils permettent au spectateur de s’interroger sur la solitude, la peur, l’inquiétude, car les scènes lui apparaissent énigmatiques. L’hyperréalisme des installations de Lachapelle ajoute à cette atmosphère tourmentée et provoque une grande angoisse chez le spectateur.