Visions

Du 8 mars au 26 avril 2014
Guillaume Lachapelle : Visions

Texte de Julie Alary Lavallée

Reconnu pour ses sculptures miniatures, prenant l’allure de maquettes ou de prototypes architecturaux, Guillaume Lachapelle poursuit avec sa production plus récente la quête du détail et de la minutie à la même échelle. Depuis déjà quelques années, sa pratique se démarque par le recourt à la modélisation numérique et l’impression 3D. Ces procédés technologiques contribuent au développement d’un langage sur le désenchantement, mais dont le prolongement actuel semble bifurquer du côté de la déshumanisation du monde. En effet, les individus et les créatures animales étranges, engagés dans des lieux complexes, ont disparus au profit d’espaces intérieurs et extérieurs inhabités où l’absence est devenue le protagoniste.

Tirant son inspiration de la ville et, plus particulièrement de l’architecture urbaine, Lachapelle recrée des wagons de métro ou de train, des bibliothèques, des stationnements et des structures industrielles qu’il dispose pour la plupart en boîte. À la fois familiers et étrangers, ces environnements « encadrés » engagent une double dynamique. Tel un microscope ou un télescope, ces récipients ouvrent sur soit une réalité « micro », intime et intérieure ou distinctement contraire, c’est-à-dire sur la grandeur cosmique et l’extérieur. L’observation de ces structures permet de réaliser qu’elles ont en commun la fonction d’accommoder les besoins humains comme ceux de se mouvoir et de connaître, mais aussi d’accroître l’efficacité. Par l’acte de la représentation, Lachapelle semble vouloir prélever des éléments qui meublent le monde afin d’en exposer la vacuité et même l’abstraction.

Dans une relation solidaire, les dispositifs lumineux et les surfaces réfléchissantes extirpent les armatures inanimées de l’isolement en leur octroyant une existence simultanément théâtralisée et évanescente. La répétition des structures sur les parois accentue pour sa part le caractère fuyant des sculptures qui s’éloignent jusqu’à disparaître dans l’infini. Ces structures, pour la plupart rattachées au vocabulaire formel industriel et associées conjointement à l’époque moderne et aux récits dystopiques, trouvent écho chez la pensée du philosophe Peter Sloterdijk. Selon ce dernier, la modernité, que l’on relie naïvement aux « Lumières » et au « progrès », trouverait plutôt son essence dans la révolution copernicienne. Et pourquoi cela? Parce que c’est à ce moment que l’individu réalise qu’il n’est plus le centre du monde et qu’il commence à se demander où il va au lieu de réfléchir à qui il est. C’est aussi à partir de ce moment que débute « l’histoire récente de la connaissance et des déceptions »1.

1. Peter Sloterdijk, Bulles Sphère 1, Paris : Éditions pluriel, 1998, p. 22.