Prêt-à-porter

Du 22 mars au 21 avril 2007
Guillaume Lachapelle : Pret-a-porter

Texte de Jérôme Delgado

La nouvelle production de Guillaume Lachapelle pourrait faire croire que l’artiste a été animé par la rupture. Délaissant le dispositif de la maquette et le monde miniature de ces dernières années, le sculpteur propose un ensemble flirtant davantage avec l’abstraction qu’avec les mises en scène narratives de ses installations précédentes. Les éléments architectoniques et les figurines humaines ont ainsi cédé la place à des ensembles évoquant plus que jamais l’artisanat et le mobilier domestique.

Petit leurre. Lachapelle ne fait que renouveler, dans la continuité, un travail soigné, reposant sur l’ambiguïté du propos, sa portée poétique et fantaisiste, agréablement déstabilisante. Les liants? La matière, d’abord (du bois, principalement), puis la manière : matériaux récupérés de vieux meubles, réunis dans des assemblages inusités, à la fois éclatés (variété chromatique) et unis (symétriques). Enfin, il y a le propos à double fond : une idée en surface, une autre derrière.

La série réalisée en vue de cette exposition se distingue essentiellement sur un point. Si les maquettes de 20061 , ou les précédentes2 , s’affichaient, elles, comme des petits théâtres, sources de multiples récits, les nouvelles pièces jouent sur une apparente fonctionnalité. OEuvres murales, suspendues à des crochets, elles semblent destinées à un usage précis. On ne sait trop lequel, remarquez. Tantôt la forme évoque du mobilier, tantôt un outil, évocations étayées par des courroies ou des étuis bien visibles.

Bien qu’on arrive pas à identifier clairement ces objets, on est vite conscient d’une chose : ils sont à prendre avec soi, sur soi. Ce sont des sculptures portables, des Prêt-à-porter . Un peu à la manière de François Morelli, Guillaume Lachapelle propose ici des oeuvres qui gagnent à sortir de leur contexte habituel d’exposition, qu’il soit une galerie ouverte au public ou une collection privée.

Dehors, ces sculptures n’acquièrent pas le statut d’art dit public; ce sont la propriété d’un individu ou, du moins, elles sont réservées à l’usage de celui qui les porte sur le dos, en bandoulière, à la taille. Dans l’espace public, ces oeuvres seront encore plus intrigantes, inquiétantes même. Et elles remettront en question, avec encore plus de perspicacité, les notions d’objet et d’oeuvre d’art3.

(1) Manèges , Circa, du 25 mars au 22 avril 2006.

(2) Passages avides , Art Mûr, 2004; Structures de l’invisible , maison de la culture Côte-des-Neiges, 2002

(3) Dans le catalogue de l’exposition L’Origine des choses (Musée d’art contemporain de Montréal, 1994), Pierre Landry décrivait le travail de Morelli comme un « questionnement soutenu quant au statut de l’objet ». « Les sculptures de Morelli, écrit-il, se voient le plus souvent dotées d’un statut ambigu, où dominent les notions de passage et de métamorphose. »